On a battu tous les records d’audience avec la bienséance sexuelle. Et malgré mon impression -que seuls les articles bien racoleurs vous intéressent- je vous balance aujourd’hui un post de droit commercial. Biim. Punition. Il est temps d’ouvrir votre esprit à autre chose. Si je fais ça, c’est pour votre bien.
Petit rappel, avant il y a Colbert et ses tarifs excessifs. Ensuite il y a les traités de Methuen et d’Eden, ceux où les anglais nous ont bien bien ken’, suivis par la guillotine du grain et enfin le blocus continental. (Déjà, si tu connais tout ça, je suis fière de toi.)
- L’influence de l’Angleterre
Il est important de préciser que le protectionnisme persiste et domine jusqu’au XXème siècle en France. Mais à partir de la fin de la Monarchie de Juillet -1830/1848- le modèle anglais libéral va commencer à influer sur le reste de l’Europe, et particulièrement en France. En 1836, quelques prohibitions sont levées, les droits de douanes sont revus à la baisse.
En Angleterre, Richard Cobden, un ancien berger devenu industriel, va se lancer dans une campagne pour l’abolition des droits de douanes en ce qui concerne les céréales et fonde le parti « anti corn-laws ». En 1846, c’est vraiment tendu tendu pour la Grande-Bretagne. En Irlande tout le monde a la dalle, y a rien à manger et pas de fric. Le libre-échangisme sera la solution et il perdurera jusqu’en 1931.
Du coup Cobden il est chaud pour un traité avec la France. D’autant plus qu’ils flippent tous en Angleterre de Napoléon III, il y a des rumeurs qui prétendent que l’Empereur français veut envahir les côtes britanniques. Alors qu’en fait, on s’en tape complet de leurs îles à la con où il pleut tout le temps. Napoléon III a de grandes tendances libérales, mais c’est difficile à mettre en place.
Explications : Napoléon III veut créer de nouvelles lois libre-échangistes, pour cela il faut passer par le parlement. Mais les parlementaires sont les dignes représentants de la France rurale, et les agriculteurs s’offusquent à l’idée d’un libre-échangisme, alors aucun projet de loi n’est accepté. Ni nouveau abaissement de droit de douane, ni abolition de prohibition. Donc l’idée est de contourner la voie parlementaire française en faveur de la voie diplomatique.
- Le coup d’État douanier
Des négociations vont se faire en secret entre l’anglais Richard Cobden et les français Michel Chevalier et le ministre Eugène Rouher dans un secret absolu. En effet, Eugène Magne, protectionniste convaincu et ministre des finances français dont dépendent les douanes, ne doit surtout pas être informé de cette volonté de traité libéral. C’est pourquoi les petits cachottiers se retrouvent dans de vieux appartements pour s’entendre sur les différentes clauses du traité. Pour ne pas qu’il y ait de quelconque fuite, les impressions du traité ne sont pas faites, ce sont les femmes Rouher, Chevalier et Cobden qui retranscrivent à la main toutes les clauses du traité, en divers exemplaires. Chérie, ce weekend t’as 22 pages à recopier dix fois, te plains pas, le weekend dernier t’en avais deux fois plus. Gé-nial.
Pour que le traité puisse voir le jour, Napoléon III doit le faire passer par le Conseil des Ministres, certains sont étonnés, d’autres outrés, certains y sont favorables. Mais de toute façon, l’Empereur fait bien comprendre à tous ceux qui voudraient s’y opposer qu’il ne vaut mieux pas pour eux. (Moi j’aime bien cette ambiance absolutiste). Jusqu’ici le secret est gardé.
Le 15 janvier 1860, Napoléon III annonce par écrit l’existence officielle de ce traité, il expose son nouveau programme économique. Le 23 janvier, le traité est signé. Du fait que la majorité des parlementaires se sentent en opposition totale à ce traité, il est dit qu’il s’agit « d’un coup d’état douanier ». Et ils ont plutôt raison.