Comme tu le sais, avant y avait plein de parlements. Si tu le sais pas, je t’explique, c’est pas compliqué.
(Ici c’est le début d’une digression super longue. J’aime bien expliquer les trucs simplement et de manière concise, mais parfois y a des trucs qui ne peuvent s’expliquer qu’en expliquant d’autres trucs, et du coup, c’est un peu long)(donc tu peux arrêter de lire dès maintenant, mais c’est dommage car un peu plus bas il y a un dessin de LaurentNetTweet)Il était une fois un Roi qui avait tous les pouvoirs, de la coke et des putes. Mais le pouvoir, c’est aussi des responsabilités. Il se trouve que c’est un peu relou de devoir gérer tout un royaume, surtout en ce qui concerne la justice. Du coup, il crée le Parlement de Paris (on appelle ça la justice déléguée – la justice retenue c’est lorsque c’est le roi qui juge personnellement).
Avant le XVème siècle, si le peuple veut faire appel d’une décision de justice rendue par un tribunal de province, il doit se rendre au Parlement de Paris. Pour le mec de Versailles, ça va. Pour celui de Marseille ou Toulouse, c’est déjà un peu plus contraignant, genre entre 8 et 10 jours de cheval. Génial.
Imagine, ton voisin t’a piqué trois sapins et une vache, il n’est pas condamné, tu veux faire appel. En 1412, t’as à peu près autant de chances d’être mort lorsque tu seras convoqué à Paris que de voir ton voisin te rendre ta vache et un hectare de sapins. Et si par miracle t’es pas encore mort, t’as 8 jours sur les chemins en cheval… Bref, les délais sont très longs, il y a pleiiin de retard.
Pour remédier à la distance et au retard, en 1443 le roi fait installer un parlement à Toulouse. Puis dix ans après à Grenoble, puis à Bordeaux (je pourrais raconter une anecdote sur les parlements de Grenoble à Bordeaux mais cette digression est déjà beaucoup trop longue), un siècle après en Bretagne. Bref, en tout il y aura treize parlements. C’est pratique, chaque parlement est composé de plusieurs chambres pour les affaires criminelles ou civiles (et ils ont aussi une fonction administro-législative : c’est ce qu’on voit avec l’affaire de la Chalotais en Bretagne). Chaque parlement a aussi un ressort bien délimité, parfois étendu, parfois non. (Paris 100 000 km², Bordeaux 40 000 km², Trévoux 10km²). Parfois c’est encore un peu relou, par exemple, une partie de l’actuel département de la Charente-Maritime devait se rendre au parlement de Paris alors qu’il y avait Bordeaux juste à côté.
Cette carte trouvée sur Gallica (clique) date d’après 1620 mais avant 1633. Pourquoi ? Parce que le Parlement de Pau est présent, mais non ceux de Metz, Tournais, Besançon, Nancy. Je me suis permise de la massacrer avec mon pinceau Paint pour que vous ayez une idée des différentes tailles des ressorts parlementaires. (Oui, j’ai bon espoir que cela vous intéresse).
(Digression presque terminée)
Avec les parlements provinciaux, l’organisation judiciaire c’est plutôt cool. Il y a en moyenne une toute petite centaine de parlementaires dans chaque parlement.
(Digression terminée)
En même temps que la création des parlements, il a été question de vacances parlementaires. Depuis 1995, elles sont uniquement pendant les mois d’été, mais avant c’est TRANQUILLE. Sous l’Ancien Régime, les parlementaires étaient en vacances du 7 septembre au 11 novembre, jour de Saint Martin. À Bordeaux, le premier président (c’est le big boss du parlement) faisait des discours devant tous ses collègues, il s’agissait des martinales. Dans les autres parlements, on appelait ça des mercuriales. Les mecs avaient aussi des vacances pour Pâques, du lundi saint à la Quasimodo.
A Noël, en théorie pas de vacances, pas de chapon, pas de marron, pas de sapin. Mais du fait des usages et du laxisme, les parlementaires avaient pour habitude de se prendre quelques jours de la veille de Noël à la fête des Rois et puis pour Pentecôte aussi… branleurs.
Cependant, lorsque les parlementaires sont en vacances, les voisins continuent de voler les vaches, de tuer ton cousin ou de ne pas respecter un contrat. Alors pendant un demi-siècle, les tribunaux ont encore pris du retard. Et puis un jour, en 1519, François Premier décide de créer la chambre des vacations. Il s’agit d’un parlement tout petit, réduit à un seul président et une petite quinzaine de conseillers. L’idée c’était de continuer à traiter les affaires urgentes. (Ici, les parlementaires étaient payés double, c’était un peu comme travailler le dimanche mais sans les syndicats).
A Bordeaux, les parlementaires de la chambre des vacations avaient quand même droit à des vacances pendant les vacances. Précisément du 7 au 26 octobre. Et pourquoi ? Pour faire les vendanges… À Bordeaux, à la fin de l’été on laisse tout tomber : sa meuf, son boulot, les affaires urgentes pour faire du pinard. D’ailleurs, en 1650, le conseiller d’état Lenet a dit « la saison des vendanges approchait, et les principaux de la ville voulaient aller les faire à quelque prix que ce fût, car en temps pareil Bordeaux cesse d’être la capitale des Gascons.«
Parmi les parlementaires grands propriétaires il est possible de citer de Ségur qui est propriétaire de Latour, Lafite, Mouton et Calon-Ségur (rien que ça). Mais aussi, Montesquieu qui est propriétaire de La Brède.
____________________________________________________
Les articles sur le même thème
Pingback: Du vin, du cidre et d’la bière, nom de Dieu ! | Raconte moi l'Histoire