Lorsqu’on évoque l’Ancien-Régime, on pense au Roi. Lorsqu’on pense au Roi, on pense aux châteaux, aux couronnes, à l’absolutisme, à la justice approximative, aux impôts exorbitants sur le menu peuple, mais rarement au monde économico-financier et les institutions créées pour faciliter la vie du petit et du gros sous. Et pourtant, il fallait gérer le commerce, la contrebande, et les impôts.
Le XVème siècle
En premier lieu, on peut citer les cours d’amirautés.
Sous l’Ancien-Régime, il existe cinq cours d’Amirauté qui correspondent au ressort de cinq parlements, Paris, Rennes, Rouen, Bordeaux, Toulouse, Aix. A Paris, le tribunal s’appelle la Table de Marbre, et puis dans les autres villes, aussi… Bin c’est pratique de donner le même nom. Or, en province, les cours d’amirautés se trouvent dans les Parlements.
A la fin de l’Ancien-Régime, il y en a près de 50 partout sur les cotes. Plus le royaume a besoin d’argent, plus on en crée. Pourquoi ? Parce que c’est pour lutter contre la contre-bande, et surtout, parce que les officiers doivent acheter le droit d’y travailler. Astuce de Roi pour gagner du fric.
Les amirautés ont des attributions juridiques et économiques, les officiers ont pour mission de surveiller la pêche, les marins, les pirates, les déserteurs, les noyés, ou encore lorsque les marins sont bourrés et font des conneries qui relèvent du civil ou du pénal, par exemple. La plus grosse amende est de 150 livres, c’est uniquement à partir de cette somme qu’il est possible de faire appel. Au delà, ça passe devant la cour du Parlement.
Les amirautés sont peuplées d’officiers, il n’y a qu’un seul amiral qui se trouve à Paris, les autres sont des lieutenants, des maîtres des quais, des procureurs, des gardes côtes, et aussi des interprètes, car tous les marins ne sont pas francophones, en commerce avec l’orient ou encore la grande Bretagne, les espagnols ou autres. Va comprendre un marin portugais bourré…
Les cours d’amirautés ont aussi des compétences administratives. Les quais, les berges et aussi les rivières sont sous leur contrôle et c’est pas évident, évident, il y a de nombreux litiges, surtout sur la cote atlantique. En fait, avec la marée, les délimitations changent, c’est également le cas avec les crues des fleuves.
Les cours vont essuyer de nombreuses critiques. Enfin, non, il n ‘y en a que deux en fait. 1) Les juges ne connaissent RIEN au commerce, ils sont incompétents. 2) Ils sont payés en épices, et franch’ment c’est cher payé pour une justice approximative.
Le XVIème siècle
Les marchands font que gueuler, et le roi, il n’aime pas trop que les marchands soient pas contents. C’est vrai quoi, c’est eux qui ont le fric. Du coup, en 1549, Henri II va créer une institution ou la justice est gratuite et ou les marchands sont jugés par leurs pairs. Il s’agit de la bourse de Toulouse, le commerce était super développé à Toulouse, en particulier celui du pastel, à peu de choses près, ça devenait la ville bleue.
Il faut attendre 1583 pour qu’une telle juridiction arrive à Paris, un an après à Bordeaux et puis à la veille de la Révolution il y en a 67 sur le territoire. On va appeler ces institutions, les juridictions consulaires. Bien sur, celles de Paris, Bordeaux, Toulouse, ou Rouen n’ont pas le même niveau financier que celle au fin fond de l’Auvergne. Mais on y remarque le même niveau de corruption.
EXPLICATIONS: Dans une institutions, il faut une hiérarchie. Aussi, il y a eu un vote auprès des marchands, ceux qui ont été élus n’étaient pas nécessairement les plus riches, mais vu que la justice était gratuite, il fallait quand même qu’ils aient suffisamment d’argent pour ne pas être rémunérés… Par la suite, ceux sont les élus qui décidaient qui pouvaient entrer ou non dans l’institution et de nombreuses dynasties familiales se sont créées. Au final, chacun prenait son neveu, son fils et son gendre. C’est le problème de la cooptation.
La cooptation ? Qu’est ce que c’est ? C’est le fait qu’un groupe choisisse lui même ses membres.
Si tu n’es le fils de personne, n’espère pas avoir une grande place. Ce qui a permis un renouveau, ce sont les guerres de religion et la lutte contre le protestantisme. Les grandes familles marchandes étaient protestantes, or, au XVIIème siècle, elles n’avaient pas accès aux institutions.
Pour être tout à fait historiquement honnête, il faut dire que ces juridictions consulaires n’ont pas été franch’ment efficaces, elles ont pondu de nombreux arrêts, mais n’ont rien apporté d’important.
La spécialité de l’Ancien-Régime, c’est de multiplier les institutions, sans pour autant améliorer celles qui ne fonctionnement pas, ça va un peu changé au XVIIIème siècle, un peu.
Le XVIIIème siècle
Enfin, Colbert (qui est très à cheval sur la qualité des produits FABRIQUES EN FRANCE) va installer des inspecteurs des manufactures un peu partout sur le territoire. Et puis, bon, tu sais qui est ce qui va les élire ? La communauté des marchands. Et donc ? Bin ce sont toujours les mêmes familles…
Au bout d’un moment, lorsque rien ne fonctionne correctement, le gouvernement décide de faire quelque chose. Mais on y va trankil. Dès la fin du règne de Louis XIV on parle de créer autre chose, un truc mieux, et puis pendant la régence aussi, enfin on va institutionnaliser les chambres de commerce. Ces nouvelles institutions sont chargées de tracer les grandes lignes du commerce et surtout de tenter de réformer tout ce qui ne marche pas très très bien. Les membres des chambres sont élus par les marchands, donc?
Tu vois le truc ? Ce sont encore les mêmes familles qui se retrouvent à la tête des juridictions consulaires, des manufactures et des chambres de commerce. En gros, si tu n’es pas le fils de quelqu’un, n’espère pas trouver un job dans les institutions d’Ancien-Régime.
Finalement, toutes ces institutions vont disparaître avec la Révolution. Mais les marchands vont gueuler. Et puis personne n’aime que les marchands gueulent, parce qu’ils ont le fric. Alors en 1790 on améliore le tout et c’est l’apparition du tribunal de commerce, et en 1802, toutes les Chambres de Commerce sont rétablies, sauf la Rochelle (va savoir pourquoi?).
Finalement, c’est toujours un peu le fric qui décide.
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- Le dessin est de Yannicke, vous pouvez retrouver son albums FB ici.
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