Le 8 mars c’est la journée des droits des femmes, tu sais, c’est le jour ou les gros rigolos disent, « Fais pas la vaisselle aujourd’hui, tu la feras demain » et offrent un livre de cuisine/paire de chaussures à leur meuf en se tapant la cuisse et se fendant de rire. C’est vrai, c’est super drôle. Quoi ? J’ai pas l’air de rigoler ?
J’ai décidé de revenir sur un épisode de l’histoire de France, et de l’histoire des droits des femmes. Aujourd’hui je vous parle d’un petit village dans le sud de la France à la fin du XIXème siècle. On entend les cigales, et certaines ont mal au dos, et aux mains et sont sous-payées.
Les fileuses de soie de Ganges
Dans les années 1850, l’industrie de la soie est importante, surtout à Ganges, ce petit village de l’Hérault. Le secteur emploie principalement une main d’oeuvre féminine. 75% des ouvriers sont des femmes, mais il y a aussi des hommes, les contremaîtres. Ceux qui mettent les coups de bâton quand ça ne va pas assez vite (et des coups d’autre chose, lorsqu’ils en ont envie).
Les journées sont longues pour les fileuses, du levé du soleil à la tombée de la nuit. Aussi, en été prennent-elles trois repas, seulement deux en hiver, lorsque les journées sont plus courtes. Des repas composés essentiellement de légumes secs et de pommes de terre. Parfois un bouillon lorsqu’elles ont le luxe d’y déposer un anchois, pour le gout, et le sel. Un festin ! Puis comme si la journée n’avait pas été suffisamment reloue, le soir, les fileuses se retrouvent entre elles, dans la chambre qu’elles louent ensemble. Une pièce de 20m², souvent sous les combles, sans eau, ni sanitaires, ou elles dorment parfois à jusqu’à 10.
Les maladies sont nombreuses, en particulier la chlorose, qui est une décoloration de la peau, c’est lié à la fatigue, le manque de fer, et la sédentarisation. Les femmes étaient aussi aménorrhées, du fait des conditions de travail extrêmement difficiles, de la mauvaise alimentation et de la fatigue. Pour ceux qui l’ignorent, être aménorrhée c’est ne plus avoir ses règles, donc procréation impossible et troubles hormonaux. La vérité, c’est que c’est loin d’être drôle et facile pour les fileuses de Ganges, et de partout ailleurs. Et c’est sans parler de toutes les maladies de peau dont les fileuses sont victimes, rougeurs, démangeaisons, puis des vésicules, puis des pustules qui éclatent et gênent l’ouvrière dans son travail. Va mettre ta main dans l’eau bouillante après tout ça… Déjà que…
Travailler la soie, c’est donc pas folichon, tu passes les mains dans l’eau bouillante, puis froide. Tu as sous le nez des vapeurs de chrysalides en décomposition, je veux dire, tout ce qui pue, c’est pas funky. Et le pire, c’est que tu gardes cette odeur sur toi toute la journée, toute la nuit, toute la vie. ça, plus la brutalité des contremaîtres, à force, il y en a assez ! Les fileuses de Ganges, en ont marre. Elles vont faire grève ! Mais la principale revendication est le salaire et e temps de travail.
En 1880, il y a un premier mouvement de grève des fileuses de soie. Elles touchaient 1,40F et demandaient 1,50F pour une journée de travail d’environ 10h. Elles l’obtiennent. YOUHOU, le faste, le luxe ! Bin, non, elles continuent de vivre dans la pauvreté, et de bouffer à chaque repas des pommes de terre et des légumes secs.
En 1906, c’est re-la grève. Mais cette fois-ci, genre vraiment! Les ouvrières défilent dans la ville de Ganges pour revendiquer leur droit à un salaire décent. Aussi, les meufs, FOLLES, demandent une augmentation de 50 centimes, histoire d’arrêter de « mourir de faim ». En quelques jours le conflit va se répandre partout dans la région des Cévennes. Le mouvement va durer 20 jours et il y a plus de 700 manifestants (femmes et enfants confondus). Finalement, les fileuses de la soie vont échouer , elles ne gagnent que 10 centimes, passant d’un salaire journalier de 1,50F à 1,60F pour 10 heures de travail….
La grève des fileuses de Ganges en 1906 est la plus longue de l’histoire de la filature Cévenole elle entraîne, en 1910, la constitution du premier syndicat des ouvrières fileuses de soie !
Alors que presque 5 millions de femmes travaillent en France en 1910, il faut attendre 1920 pour que celles-ci puissent adhérer à un syndicat sans devoir demander l’autorisation aux époux. Et dans de nombreux cas, les hommes ne veulent pas que les femmes se syndicalisent. Pourquoi ? Parce que si les femmes se mobilisent, il est possible qu’elles avilissent les rapports entre ouvriers et patrons. C’est vrai quoi, c’est pas parce qu’elles travaillent pour que dalle qu’elles doivent venir déranger les négociations entre bonhommes. Et puis imagine que les patrons décident d’aligner les salaires des hommes sur ceux des femmes, tu vois le bordel, tout le monde à la dalle ! Et pire que tout, si les salaires des femmes sont alignés sur ceux des époux, alors qui est ce qui dirige la maison ? Ne prenons pas trop de risque, allons-y doucement… Tout restait encore à faire….
« Bien tenir sa maison, élever ses enfant, et filer la laine, voici la mission de l’épouse ici bas«
- Recherches sur quelques maladies des fileuses de soie (Gallica)
- Mémoire sur la filature de la soie (Gallica)
- La soie dans les Cevennes
- Le diaporama sur les fileuses de soie
- Les illustrations sont de POLET’, retrouve la sur facebook et sur son blog, mais surtout, n’utilise pas ses illustrations sans son accord, faut pas déconner avec le droit !
Très intéressant comme article… J’étais déjà plusieurs fois en vacances dans la régin de Ganges et pourtant j’ai aucun souvenir d’avoir entendu parler de ça… C’est pourtant pas faute d’avoir visité les musées du coin ! C’est bien dommage qu’on ne parle pas plus de ces femmes dans la région…
Il y a en ce moment à Ganges une exposition sur le sujet, mais c’est vrai que c’est peu connu et peu revendiqué…
Très bel article !
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Superbe article !
J’habite à une petite vingtaine de kilomètres de Ganges et je ne connaissais pas du tout cet épisode de l’histoire de la bonneterie et surtout du droit de la femme.
Merci pour cet article en tout cas !
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