Salut l’internet de France, de Navarre et de partout ailleurs, aujourd’hui on va parler histoire du droit avec une histoire de la région toulousaine qui fait froid dans le dos (même en plein été).
Blaise Ferrage est un jeune homme de 26 ans, un peu rustre, c’est vrai. Il habite à Cescau en Couserans, sa famille y a des terres, lui il est maçon — en attendant de recevoir l’héritage de son père et de reprendre l’exploitation agricole. C’est un petit personnage, mais il est très musclé et possède la barbe et les cheveux hirsutes, il est toujours recouvert de charbon et a une démarche animale. Il fait un peu peur en fait, c’est pourquoi il a toujours été célibataire. Malheureusement pour les familles des alentours, lorsque Ferrage ne répare pas les habitations, il s’occupe à des activités bien moins légales qui vont faire de lui une légende du crime.
Les faits sordides
On l’a compris, le mec se rapproche plus de l’animal que de l’homme, autant physiquement que dans ses actes…
Lorsqu’il s’ennuie, Blaise viole des jeunes filles, des petites filles aussi, souvent.
Au XVIIIème siècle, dans les campagnes, les jeunes filles gardent les vaches entre sœurs. Une aubaine pour le violeur. Après en avoir attrapé une, il lui tient les mains dans le dos, la bâillonne avec ses mains et la viole. Il s’acharne comme un bon fdp, aussi, lors des procès-verbaux, les détails sont terribles « cuisses saignant, nymphes nécrosées, hymen arraché, matrice irritée ».
Un jour, une jeune fille parvient à se libérer du criminel, Marie Gros. Ni une, ni deux, un coup de fusil bien placé dans le pied ou la jambe et la meuf court beaucoup moins vite. Astuce. Il s’agit de la servante de son oncle, la pauvre malheureuse a été violée plus de trois fois par Blaise. Après s’en être vanté dans la région, son oncle, Jean Ferrage, fait comprendre à Blaise que :
1 – S’il veut violer des meufs qu’il s’en prenne à d’autres que sa servante
2 — Qu’il soit mignon de pas s’en vanter parce qu’il pourrait lui arriver des bricoles
À aucun moment, il lui coupe les couilles, malheureusement. Cependant, Blaise, il est véner contre son oncle, genre « Bin quoi ? Pourquoi je violerais pas ta servante trankil ? Il est où le problème ? » Blaise fout le feu a l’étable et aux vaches de son oncle. Il assiste au spectacle pour « assouvir sa haine »… Avant cela, il a tenté par deux fois de le tuer, en l’attendant devant chez lui avec un fusil et par un autre incendie.
À force, un jour, Blaise est arrêté par la maréchaussée, mais par un fait inexpliqué, il parvient à se libérer des chaînes et s’enfuit… Une fois retrouvé au fin fond d’une grotte près de Saint-Bertrand de Comminges, le juge de Castillon l’interrogera sur sa possible possession de « l’herbe du pic » qui dissout le métal. Soi-disant.
La sentence
En 1781, le juge royal de Castillon prononce contre Blaise Ferrage une sentence terrible, enfin proportionnelle à ses crimes quoi. Il est quand même accusé d’avoir violé — au moins — vingt-deux meufs. Il faut quand même savoir qu’à l’époque, le viol c’est pas tellement un crime, c’est assez fréquent. Voire normal lorsqu’il ne s’agit pas de femme de qualité. Des bourgeoises. Cependant, Blaise, il n’y est pas allé de main morte. Une vingtaine de victimes, c’est lourd. La peine aussi. C’est à dire, quelques petites tortures avant une mort assurée en place publique. Évidemment, le Blaise, il n’est pas content. Pas content du tout. Du coup, il va faire appel et l’affaire est envoyée devant la chambre de la Tournelle du Parlement.
La Tournelle ? Qu’est-ce donc ? La Tournelle est une cour de justice criminelle. C’est elle qui juge les affaires les plus terribles, aussi, les magistrats ne restent jamais longtemps dans cette tour, ils effectuent continuellement un roulement. Les juges tournent entre eux pour ne pas prendre le risque de devenir insensibles aux atrocités des actes et mal-juger.
Évidemment, la Tournelle ne va pas rendre un jugement beaucoup plus funky pour l’Ogre. Après avoir fait amende honorable (s’excuser devant Dieu, en somme) devant l’Église Saint-Étienne à Toulouse, il est conduit à la place Saint-Georges où sur l’échafaud on lui assène quelques coups de fouet sur les bras, les jambes, les reins et les cuisses. Faut que ça saigne, on aime voir le sang jaillir partout. On a le sens de la mise en scène à l’époque. Mais ce n’est pas fini, ensuite, on le met sur une roue, face au ciel et on le laisse mourir (en vrai, au bout d’une heure s’il n’est pas encore mort, on l’étrangle, sinon ça peut durer des heures le temps qu’il se vide de son sang) c’est seulement ensuite qu’on l’accroche quelques jours aux fourches patibulaires. Pour servir d’exemple quoi.
Finalement, la Tournelle a été un petit peu plus clémente que la cour de première instance puisque le juge de Castillon avait prévu, lui, de faire brûler le corps mort de Ferrage dans un bûcher. Et à l’époque, il n’y a pas pire que de ne pas laisser un corps mort tranquille.
Le mythe
Il a été question dans la région d’accusation d’anthropophagie. Le mec aurait mangé plus de 50 personnes. Mais on a aucune trace de cette histoire. Certains voient dans cette rumeur, une volonté royale de stigmatiser le paysan. On sait juste qu’après avoir fui d’entre les chaînes de la maréchaussée, il s’est installé dans la grotte préhistorique de Gargas en Couserans.
Ces grottes sont célèbres pour les « mains négatives ».
On a retrouvé de nombreux ossements dans cette grotte, et les prêtres du coin ont affirmé que les empreintes de mains ne pouvaient être autre chose que le reflet d’orgies perpétrées en ces lieux. Bon, il s’avère que les os sont un peu plus vieux que Ferrage, mais les curés ils sont plutôt branchés Adam et Ève que darwinisme…
Enfin, Blaise Ferrage est comparé à Gilles de Rais, le célèbre Barbe bleu.
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- Merci à Clément pour ses illustrations, on peut le retrouver dans les articles:
- En savoir plus sur le sujet :
- Les grandes affaires criminelles de Toulouse, Roger Merle, 1999.
- L’anthropophage des Pyrénées : le procès de Blaise Ferrage, violeur et assassin du XVIIIème siècle.
- Le Hipster du XVème siècle, Gille de Rais
Ils ont osé parler de leurs moeurs .
Le pire est qu’ils l’ont condamné lui !