Victor Lustig est né en 1890, au sein de l’Empire austro-hongrois. Son père, un célèbre entrepreneur, est rapidement élevé au rang de bourgmestre. La famille a du fric, Totor va intégrer les meilleures écoles, son père veut qu’il soit avocat. Bon, c’est vrai, c’est bien d’être avocat à Dresde hein, mais ça le branche pas des masses à Victor, il veut vivre le mec. Aussi à 19 ans, il quitte le domicile parental pour aller à Paris.
Les trottoirs parisiens
Il n’a pas d’argent, mais il est plutôt mignon, alors il va en jouer. Il va pécho des meufs qui vont l’entretenir un petit peu, et puis il va en mettre d’autres sur le trottoir (liens putes de rue). Bin oui, faut bien gagner sa vie m’sieurs dames. Évidemment, mettre des filles sur le trottoir, c’est pas très sympa, mais les problèmes vont venir de ses concurrents parisiens qui refusent qu’on leur pique le marché. Aussi Victor doit fuir, laissant femmes et trottoirs parisiens. Il va partir aux États-Unis !
Le rêve américain
Tel Jack Dawson sur le Titanic, Victor Lustig va apprendre les bonnes manières sur les grands bateaux à vapeur qui traversent l’atlantique. Enfin, les bonnes manières… Pendant qu’il apprend à tenir sa fourchette et mettre son écharpe comme un vrai américain, il escroque les petites vieilles aristocrates en jouant aux cartes. Et il va se faire un allier, Nick Arnstein. C’est pas un bon garçon lui non plus, c’est un escroc. Un vrai ! Ils vont faire quatre allers-retours.
Avec la guerre et l’idée Allemande de détruire tous les navires ennemis (ils font pas la guerre pour de faux), les deux nous amis sont obligés de poser le pied à terre pour quelque temps. Ce sera à Paris. La guerre c’est vraiment chiant… Heureusement elle dure pas cent ans (blague d’historien). En 1920, il est temps de se casser. L’Europe, ça craint, elle se reconstruit, les gens sont fauchés. Il n’y a pas de place pour les escrocs. Victor part pour les États-Unis. Oui, encore, mais cette fois-ci, il va descendre du bateau et se plaindre des dégâts de la guerre sur ses terres, son château, ses troupeaux — qui sont purement fictifs. Cependant, il mène la grande vie, voulant s’intégrer parmi les plus riches, mais cinq après, il se fait repérer par la police New-yorkaise qui ne cesse de recevoir des plaintes pour escroqueries. Il est donc temps de retourner en Europe. Dans sa valise, il prend Dan Collins.
Le journal qui vaut des millions
En avril 1925, alors que Victor est assis en terrasse sur les Champs-Élysées, il lit un journal évoquant l’état délabré de la tour Eiffel. Sans doute faut-il l’arranger, ou la vendre ! Mais la laisser ainsi pourrait poser des problèmes. Élevée en 1889 pour l’Exposition universelle, la Dame de fer devait être démontée en 1909, or, l’armée s’en sert comme monument pour ses communications, alors on la garde encore, et encore.
L’idée trotte dans la tête de Victor, il veut vendre la tour Eiffel. Et le fait qu’elle ne soit pas à lui ne le chagrine pas vraiment.
L’escroquerie, c’est tout un travail
Victor va se fournir en papier à en-tête de la mairie de Paris et de la société d’exploitation de la tour Eiffel, il loue une suite dans un prestigieux hôtel et va envoyer une lettre à cinq ferrailleurs susceptibles d’avoir assez d’argent pour acheter la tour Eiffel et de pouvoir être intéressés par 7 000 tonnes de fer. Il signe les documents « Victor Lustig, adjudicataire délégué de la ville de Paris », sans pression.
Les potentiels acheteurs sont priés de le rejoindre le 12 avril 1935 à 14 h. Le contrat sera signé avec le plus offrant, mais en attendant, il faut que les négociations restent secrètes. Soit disant c’est Gaston Doumergue, président de la République et Paul Painlevé, président du Conseil qui demandent la plus grande discrétion sur la transaction. Lol. Victor présente les raisons pour lesquelles la ville de Paris veut vendre la tour : imposante, son entretien coute beaucoup d’argent, les bénéfices de la vente serviront à l’armée. Bref, tout est bien mené. Victor pousse même le vice en faisant visiter la tour Eiffel aux cinq prétendants.
Tout aurait pu capoter lors de la visite, des ouvriers nettoient la Dame de Fer, dans l’objectif de la repeindre en vue de la véritable politique municipale de restauration. Il ne reste plus qu’à prétendre qu’ils travaillent à un démontage. Et ça passe. Les mecs, donc, ils voient des ouvriers pinceau à la main, et ils arrivent à penser que c’est en vue de la démonter. Ils doivent être du genre à recoudre leur cravate avant de les jeter. Les tocards. Bref.
André Poisson, le plus riche et le plus con
Un des ferrailleurs fait une offre à Lustig et Collins. Dans cinq jours, ils seront riches. En attendant, André Poisson fait un chèque en blanc, il a du hypothéquer son hôtel particulier et donne une large commission aux deux hommes. Ni une, ni deux, les deux escrocs prennent le tout et partent pour Vienne.
Lorsque Poisson se rend compte qu’il s’est fait avoir, qu’il a perdu beaucoup d’argent et son hôtel, il ne dévoile pas l’histoire à la presse. Sans doute a t’il trop honte. Et pour ça, Lustig lui en veut, il aurait adoré faire la Une : « Un escroc nommé Lustig vend la tour Eiffel à un tocard ! »
Que nenni, chacun reste dans l’ombre. Et qu’est ce qu’il fait lorsqu’il s’ennuie Victor ? Il va aux États-Unis.
Dans l’Oklahoma, Victor vend des machines à fabriquer des dollars pour la modique somme de 25 000 dollars (des vrais). Il en a vendu à un shérif de Remsen County, à Herman Loller — un milliardaire — et à un américain d’origine italienne… Nommé Al Capone. Si avoir la police à ses trousses, il s’en fout, avoir la pègre, c’est autre chose !
Cependant, c’est la police qui l’arrête en premier, en 1935. On le retrouve aec plus de 50 000 faux dollars et des clichés de ses machines. Il s’échappe de la prison un jour avant son procès en se servant de son drap comme une corde, mais après 27 jours, il est à nouveau arrêté.
Son visage de chaton et ses belles paroles ne fonctionnent pas devant les juges. Vingt ans de prison. À Alcatraz, tout à côté d’Al Capone.
Finalement, Victor est libéré en 1946, et puis le 11 mars 1947, il meurt d’une pneumonie.
- Dix ans plus tard, un Suédois : Goldesberg va vendre une fausse peinture anticorrosion à la mairie de Paris pour repeindre la Dame de Fer. En fait, c’est juste de la peinture qu’il va vendre 100 millions de francs.
- Dans les années 60, un Anglais vend la tour Eiffel à une société néerlandaise pour la somme de 500 000 F.
- En 2014, c’est le prix d’entrée qui est une escroquerie.
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- En lire plus sur Paris :
- Gallica :
- Remercions chaleureusement Morgane Carlier pour ses dessins, et retrouvons la sur son blog: La taverne des esquisses
C’est sûr ça twiste plus qu’une vie rangée d’avocat à Dresde…faudrait voir aussi s’il était connu dans une éventuelle escroquerie aux brosses à dents, c’est la mode en ce moment, hein Valoche!
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