On en entend parler chaque année, la journée du 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. Et c’est important. Tu me diras, ça tombe entre la journée mondiale de la prière et celle de la plomberie, ça peut pas non plus être un truc de ouf. Eh bien si.
L’an dernier, je vous parlais de l’histoire syndicale des fileuses de Ganges. Aujourd’hui je vous explique le contexte du XIXème siècle en France, et l’intérêt de se battre.
L’histoire du 8 mars
En 1910, lors de la 2ème conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, une journaliste allemande Clara Zetkin propose d’organiser une Journée internationale de la Femme. L’idée est de promouvoir le droit de vote des femmes. Merde. Quel jour choisir ? Et pourquoi ? Effectivement, des manifestations féministes, il y en a plein, et tout le temps. Alors quelle date ?
Il existe une vieille légende qui raconte que la date du 8 mars trouve son origine dans une lutte des ouvrières américaines. Les meufs ont manifesté à New York le 8 mars 1857 pour revendiquer leurs droits et de meilleures conditions de travail. Alors, bon, c’est pas mal, mais en fait, c’est faux. En 1982 des historiennes ont révélé que cette manifestation n’a jamais existé. Du coup, c’est chiant. Alors on cherche et on trouve que le 8 mars 1917 des ouvrières ont manifesté à Saint-Pétersbourg, et cette fois, ça s’est passé, vraiment. Alors ça tombe plutôt bien. On garde le 8 mars mais c’est surtout dans les années 1970 que la journée va prendre un peu d’ampleur. Grâce au regain féministe, la journée est reconnue officiellement par les Nations Unies en 1977 puis en France en 1982. L’idée c’est pas d’offrir des culottes ou des roses, ni de faire des blagues sur la vaisselle et le ménage, non, il faut faire un bilan des inégalités, du chemin parcouru et du chemin à parcourir.
Et je peux vous dire qu’au XIXème siècle, le chemin à parcourir était encore long… très long.
Le XIXème siècle
Pendant des siècles, et des siècles le statut de la femme était très largement inférieur à celui de l’homme. Et puis. C’est la Révolution. La fin des privilèges laisse percevoir une amélioration et un début d’égalité entre les Français. HAHAHAHAHAHA. La révolution reconnaît la personnalité civile de la femme (et encore…) mais ne lui permet pas de voter. A peine d’exister par elle-même en fait.
Et le pire c’est qu’il existe des gros cons, genre Sylvain Maréchal.
Le projet de loi de Sylvain Maréchal
En 1801, Sylvain Maréchal écrit un texte qu’il nomme Projet de loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes. Carrément. Le mec refuse que les femmes apprennent à lire, écrire et se cultivent ? Il sort une centaine d’arguments dénués de sens, de réflexion et de respect. Mais alors tout, oh oui, tous sont d’une bêtise sans borne et d’un sexisme à faire pâlir Zemmour (qui est pourtant assez bon dans ce domaine).
Si tu cliques sur les liens tu tombes sur des petites citations comme celle du dessus, ça donne un peu envie de s’arracher les cheveux mais les tocards pourraient encore dire qu’on est des hystériques.
Pour Maréchal, la femme est une épouse et une mère. Réfléchir ou savoir compter ? À quoi bon lorsqu’on peut jouer de sa beauté et de sa candeur sur son entourage. La procréation, l’éducation des enfants et le maintien en ordre de la maison voilà ses fonctions. La femme ne gagne rien à apprendre, elle a tout à y perdre, sa candeur, son innocence et même la vie. Les femmes savantes sont moins robustes et perdent aussi leur cœur.
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Quant à celles qui veulent apprendre pour pouvoir travailler, c’est n’importe quoi. Aller au tribunal ? Pour faire de la politique ? Qu’elles aillent plutôt au marché faire leur cacophonie.
Le mec argumente avec la bible, ou la mythologie. Genre, que faisait Marie lorsque Dieu est venu lui annoncer sa grossesse ? Non, elle ne lisait pas, elle ne comptait pas, elle n’apprenait pas. Elle cirait les pompes de monsieur Joseph. Ou encore, pourquoi est-ce que Pégase ne se laisse monter que par un homme ? Parce que ce n’est pas la place de la femme. Tout simplement. La place c’est la maison.
Deux femmes vont se révolter contre les propos du garçon. Dont une, Marie Armande Jeanne Gacon-Dufour,qui va devenir sa maîtresse d’ailleurs. Vous pouvez trouver sa réponse ici.
Le code civil de 1804
Ce texte de merde finira aux oubliettes avec l’établissement de l’Empire et la création du code civil. Mais attention, ne va pas croire que Napoléon et ses copains vont jouer pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Oh non. C’est même la période la plus difficile. Le code civil ne permet aucun droit politique ou civil à la femme. Lorsqu’elle n’est plus sous la tutelle de son père c’est qu’elle s’est mariée et est passée sous celle de son époux. Enfin en théorie à 21 ans elle est libre, mais bon, pour survivre il faut qu’elle travaille. Et on ne fait pas travailler les femmes.
Malgré des textes de loi peu enclin à l’inégalité, et des mecs ouvertement hostiles à la femme, certaines d’entre elles sont parvenues à s’imposer par leur cerveau, ou leurs savoir-faire. Par exemple, Madame Récamier ou Madame de Staël tiennent des salons, d’autres écrivent, chantent, dansent, vivent seules. Mais l’émancipation est encore rare est uniquement possible aux classes aisées.
La révolution de 1848
En 1848, c’est une nouvelle révolution. Le Roi est contraint d’abdiquer, c’est la mise en place de la Deuxième République et surtout du suffrage universel. Enfin universel… Seuls les hommes peuvent voter… Les Républicains ont peur que la femme, encore trop soumise à l’Eglise qu’ils disent, votent pour les conservateurs. Du coup, hop, pas de risque.
Les femmes sont encore cantonnées à leur rôle de ménagère. Ou de pute. Ça dépend des femmes. Les cocottes sont à la mode, elles sont en quelques sortes indépendantes. Sous la tutelle de personne, mais vivent grâce aux hommes qui les entretiennent… Mais de plus en plus de jobs vont s’ouvrir aux femmes avec la révolution industrielle. On manque de main d’oeuvre, c’est le moment de s’imposer. La femme est moins bien payée, n’a pas de poste important et si elle est mariée c’est son mari qui dispose de son salaire. Faut accepter de bosser au moins 70h par semaine dans des conditions de merde pour être payée une misère. Mais c’est le prix de l’indépendance, et beaucoup l’acceptent.
Enfin en 1850, la loi Falloux ordonne la création d’écoles pour filles dans toutes les communes de plus de 800 habitants. Mais il faut attendre les années 1870 pour voir apparaître de vraies revendications de droit de vote ou d’égalité. Lutte vaine pendant encore longtemps… C’est en 1944 que les femmes obtiennent le droit de voter et d’être élue. Quant à l’égalité de salaire, on lutte encore.
Autres trucs de meufs qui peuvent aussi intéresser les hommes. Gallica a répertorié toute une série de revues féministes consultables en ligne. Voici le texte Projet de loi de Sylvain Maréchal. Pour les illus, c’est ici (gallica). Merci à Maëla sur facebook pour la suggestion.