Aujourd’hui, on va parler de Lucrèce, une meuf romaine, qui a eu une vie cool, puis elle s’est faite violer, alors elle s’est suicidée. Bon, ça déjà, à la base c’est un problème. Il s’agirait plutôt d’une légende que de faits réels, mais peu importe. Il y a un autre problème. On qualifie le récit de Lucrèce comme un exemplum. Je te jure, même dans wikipédia.
Un exemplum qu’est ce que c’est ? C’est un récit qui met en valeur le comportement héroïque d’un personnage et qui incite à le suivre. Et là, pardon hein, ça rend ouf. Évidemment, c’était une autre époque blablabla, mais concrètement, une femme qui se suicide parce qu’elle a été violée, ça n’a rien d’un exemple à suivre. Vraiment rien. Voici son histoire.
Des femmes infidèles et de la laine
Nous sommes en 509 avant notre ère, le roi Tarquin le Superbe, réputé pour son orgueil et sa violence, assiège la ville d’Ardée avec une grande armée. Les mecs tiennent le siège pendant plusieurs jours, et puis quelques uns d’entre eux décident de rentrer à Rome pour voir leurs femmes. Histoire de les surveiller quoi, faut jeter un œil. On ne sait jamais. Parmi eux, Sextus, le fils de Tarquin le Superbe, et Tarquin Collatin. Tous les mecs du groupe retrouvent leurs femmes roulant des pelles et coïtant un peu partout dans des banquets organisés dans la ville. Seul Tarquin Collatin retrouve sa femme, Lucrèce, en train de filer de la laine avec ses domestiques. Concrètement, rien ne nous dit que la veille, elle n’était pas en pleine partie de jambes en l’air avec un collègue de son père. Son père c’est Lucretius Spurius, le préfet de Rome.
Fier comme un coq qui sait bien tenir sa poule, Collatin exhibe Lucrèce aux yeux de tous.
« Waouh, elle sait bien filer la laine pendant que les vôtres ont perdu leurs culottes »
« C’est quoi une culotte ? »
« Laisse tomber, c’est un morceau de tissu qui apparaîtra plus tard dans l’histoire de l’humanité »
Sextus, un peu véner de ne pas savoir ce qu’est une culotte mais surtout d’avoir constaté l’infidélité de sa femme se trouve tout à fait charmé par les bonnes mœurs et la chasteté de la jolie Lucrèce. Aussi, a t il la merveilleuse idée de la déshonorer…
Le viol de Lucrèce
Sextus décide de violer Lucrèce parce que sa femme est une petite libertine qui vit mal les relations à distance. Normal. Par ruse, le mec va s’introduire dans le lit de Lucrèce, avant de s’introduire également et non légalement dans son vagin. Il la menace d’un poignard. Genre si tu me laisses pas faire, je te tue et je dépose dans ton lit le cadavre d’un esclave pour faire croire à la terre entière que tu n’as pas de vertu. Et ça Lucrèce refuse. Mieux vaut être déshonorée par un homme libre que par un esclave. Alors elle cède. Et puis quand il a fini sa petite partie de « sexe », il la menace encore de la tuer si elle ouvre trop sa bouche et qu’elle en parle à tout le monde. Le mec remet ses fringues et se casse.
Le lendemain, Lucrèce raconte à son père le viol dont elle a été victime et lui demande de la venger. Or, ne supportant pas d’avoir été déshonorée, la victime se plante un poignard dans le cœur et meurt dans les bras de son père. Plutôt que de se retrouver bafouée, Lucrèce préfère se suicider. Genre, c’est pas anodin, elle a perdu la vie parce qu’elle a été victime d’une agression sexuelle et qu’elle n’était plus la personne chaste et vertueuse qu’elle souhaitait être pour elle mais aussi aux yeux de tous. La pression familiale, la pression sociale. On ne veut pas de femme sans honneur, quand bien même elle serait victime.
Suite à cette scène, Junius Brutus ameute le peuple romain, fait part de la violence de la famille Tarquin et proclame leur déchéance. Genre « Arrêtez les gars, maintenant, ce n’est plus vous les chefs. Toi, le superbe, ton règne est foutu et toi Sextus, gros bolosse retourne chez ta mère tu ne seras jamais roi». Effectivement, la famille Tarquin est déconsidérée à jamais et Brutus va être nommé consul de la jeune, fraîche et toute neuve République romaine. Selon les auteurs, les républicains (pas ceux de Sarko et compagnie) exhibent le corps de Lucrèce sur le forum pour véritablement attiser la foudre du peuple (Tite-Live), ou encore, lors des funérailles, la blessure mortelle de Lucrèce est visible de tous « volnus inane patet » (Ovide).
Lucrèce, un symbole
Lucrèce victime, préfère se suicider que de passer pour une salope. Dans son esprit, ou selon ce que veulent dire les auteurs, la pression sur la femme désavouée est plus insupportable que l’idée de la mort. Et puis en plus la mort ça lave l’honneur alors ça va. Bin ouais mais non, ça va pas. Maintenant qu’on est au XXIème siècle, j’aimerais bien qu’on cesse de faire passer Lucrèce pour une héroïne aux chastes vertus dont l’histoire est exemplaire mais plutôt qu’on prenne en cause le viol et ses conséquences. Il ne faut pas recommander le suicide. Oui parce qu’au XXIème siècle, on se suicide encore après un viol. Quelques chiffres pour ceux qui n’auraient pas trop bien compris :
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En France :
- Les victimes d’agressions sexuelles sont huit fois plus susceptibles de faire des tentatives de suicide
- 1 femme violée sur 5 fait une tentative de suicide
- 4,7% des viols ont lieu sur les lieux de travail
- 25 % des viols sont commis par un membre de la famille
- 74 % des viols sont commis par une personne connue de la victime
- 75000 femmes sont violées chaque année
Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (pdf)
Etat des lieux sur les personnes victimes d’inceste (pdf)
Hara kiri avant l’heure, quoi.
Tombée sur ce site récemment, j’aime de plus en plus ! Merci.
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