Sokushinbutsu, ou l’auto-momification des moines japonais

La religion, vaste sujet, surtout en ce moment. Je ne suis pas religieuse, je ne crois en rien et ça me va très bien, mais je suis très tolérante. Tu peux aller à la messe, faire le ramadan ou ne pas prendre l’ascenseur le vendredi, je m’en fous. Je m’en fous tant que tu n’emmerdes pas le monde avec une propagande, des lois liberticides, une kalachnikov ou une ceinture d’explosif. Le Bouddhisme, religion ou philosophie ? Sans doute les deux. Aujourd’hui je vais vous parler des moines Shingon. Ils sont au Japon et vivent leur croyance pleinement, sans tuer personne, sauf eux-même.

3moines

Sokushinbutsu : retour sur une pratique

Au VIIIème siècle de notre ère, il existe un mec brillant. Enfin, c’est ce que les Japonais de l’époque racontent. Il s’agit de Kūkai ou encore Kōbō-Daishi. Kūkai, il est bouddhiste à fond. Il se retrouve là-dedans, il aime ça, il médite et toute sa vie il va s’impliquer dans la bienveillance, l’amour de soi et de l’autre. Aussi, il va créer une nouvelle branche du bouddhisme : Shingon. Le moine estime qu’il faut se détacher pleinement du monde sensible, il explique que les 5 sens ne sont que des illusions du mental et qu’il faut passer outre. Pour cela, les adeptes doivent s’entraîner à résister à la douleur, au froid, au chaud, aux odeurs, aux bruits, à manger des trucs dégueulasses et des trucs bons sans faire de distinction. C’est chaud quand même. Aussi, les moines prennent l’habitude de méditer sous des cascades d’eau pas glacée, mais presque.

Portraits de moines Shingon

C’est autre chose que le grand séminaire hein. Une fois que les moines sont bien à l’aise dans leur méditation, loin des sensations du corps humain, ils aspirent à devenir bodhisattva. C’est à dire, atteindre le nirvana en faisant s’envoler leur esprit de leur enveloppe charnelle. Il s’agit de devenir un Sokushinbutsu. Pour cela, la méthode n’est ni simple, ni toujours efficace, voici les quatre étapes.

Les quatre étapes du Sokushinbutsu 

Faut qu’on soit bien d’accord hein, devenir Sokushinbutsu, ça consiste à mourir en auto-momifiant son corps. Enfin, pour moi qui suis peu spirituelle. Pour les moines Shingon, c’est atteindre le nirvana.

Première étape du Sokushinbutsu :

Pendant 1000 jours, le moine doit manger exclusivement des noix, des graines et faire beaucoup de sport. Normalement, au bout de trois ans, il n’y a plus de graisse dans le corps. #AstuceRégime 

Deuxième étape du Sokushinbutsu :

Pendant 1000 jours après les 1000 premiers jours, le régime alimentaire évolue. Alors faut pas rêver, c’est ni du comté au ketchup ni du jus de bissap pour tout le monde. Non. Le moine doit désormais manger uniquement des racines et des aiguilles de pin. Sans, dec, tu te vois manger des aiguilles de pin pendant trois ans ? Moi non. Au bout de ces 1000 + 1000 jours, normalement le corps a perdu toutes sa graisse mais aussi une partie de ses fluides corporels.

Sokushinbutsu en Inde

Sokushinbutsu en Inde

Troisième étape du Sokusinbutsu :

Le moine doit s’empoisonner pour ne pas être bouffer par des animaux et des insectes, parce qu’à ce stade là, le mec, il n’est plus super super réactif physiquement. Il ingère alors un breuvage à base de sève d’urushi (un arbuste proche du sumac). En plus de chasser les bêtes, ça termine le processus de déshydratation du corps.

Quatrième étape du Sokushinbutsu :

Avant les 2000 jours, le moine s’est trouvé une petite cachette dans une cavité, en général, une petite cave ou un trou dans un arbre. A la fin de la troisième étape, il entre dans sa cabane qui doit être juste assez grande pour l’accueillir et ses autres copains moines l’enferment à l’intérieur en prenant soin de lui donner une petite clochette. Chaque jour le moine doit faire bouger sa clochette pour montrer qu’il est bien en vie. Et puis, un beau jour, lorsque son esprit s’est définitivement détaché de son corps pour atteindre le nirvana : la cloche ne sonne plus.

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Les autres moines attendent 1000 jours pour ouvrir la sépulture et découvrir si la momification a bien fonctionné ou pas. En général, non. Mais quelques uns y sont parvenus (on en a trouvé une quinzaine). Pour voir des photos : il te suffit de cliquer ici, puis sur la flèche de droite pour faire défiler → !

Ce qu’il faut savoir :

Les moines Shingon attendent d’être un peu vieux pour se lancer dans le truc, mais pas trop. Il faut quand même 6 ans pour préparer son corps et ce serait con de mourir avant ** Ces momies sont très différentes de celles d’Egypte car les organes restent à l’intérieur du corps, c’est pourquoi les deux premières étapes sont très importantes pour que les organes ne pourrissent pas à l’intérieur ** L’auto-momification est interdite au Japon depuis la fin du XIXème siècle, car il s’agit d’une forme de suicide. Et le suicide est interdit.

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8 thoughts on “Sokushinbutsu, ou l’auto-momification des moines japonais

  1. Kukai, il n’a pas créé une ligne de vêtements, aussi ?
    Le suicide interdit au Japon ? Ça alors ! J’aurais pas cru, avec les kamikaze ! C’est un cas particulier ?

    • Le kamikaze meurt en martyre, on peut y voir une évolution de l’hara kiri (qui à l’origine était réservé aux nobles). La différence étant que tu ne meurt pas pour un seigneur quelconque mais pour l’empereur (et la patrie). Dans tout les cas c’est un acte réservé au guerrier pour conserver son honneur (il décide de l’instant de sa mort, il reste maitre de sa vie), et surtout l’honneur de la lignée, du clan. Alors qu’un suicide est perçu comme égoïste: tu te retranches volontairement de la communauté (le clan), seulement dans ton intérêt personnel.

  2. Pour l’anecdote : l’urushi est la laque crue, utilisée dans de nombreux pays d’Asie comme revêtement décoratif (vous voyez les paravents japonais noirs et brillants? Bah voilà). L’urushi a la particularité de durcir dans un environnement chaud humide, comme les régions où son arbre pousse et… le corps humain!. En fait les moines Shingons se laquent littéralement les entrailles, qui deviennent lisses et imperméables de l’intérieur.

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