Il y a quelques temps, je vous parlais de Catherine II de Russie et de son mobilier coquin, aujourd’hui, après avoir lu ce livre, je vous narre l’histoire de ses amants. Eh oui, mariée à celui qui deviendra l’Empereur, Catherine a entretenu plusieurs relations extraconjugales… La future Impératrice a d’ailleurs eu trois enfants de ses trois amants, et aucun de son époux…
Un mari alcoolique et teubé
Avant d’avoir des relations extraconjugales, il faut un époux. Eh oui, et la pauvre Catherine, elle n’a pas été gâtée.
Un mariage jeune
Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst, c’est son vrai nom, est née en Prusse en 1729. A l’aide de sa mère et de son entourage haut placé, la jeune fille, plutôt jolie et bien faite va taper dans l’œil d’Élisabeth de Russie. L’impératrice n’ayant pas d’enfant, elle a adopté son neveu, Pierre-Ulric, pour le mettre sur le trône à sa mort. Et enfin d’assurer sa lignée, Élisabeth veut marier Pierre-Ulric avec Sophie Frédérique pour qu’ils fassent ensemble une ribambelle de gamins, potentiels héritiers du trône. Le 21 aout 1745, Pierre-Ulric épouse alors Sophie Frédérique qui par sa conversion à la foi orthodoxe est désormais appelée Catherine. Elle a 16 ans, son époux a un an de plus. Ils sont jeunes, frais et… ils n’ont pas la tête à « la chose » alors, pour les héritiers, faudra attendre.
L’absence de consommation
L’impératrice Élisabeth ne bouscule pas trop les jeunes mariés, c’est vrai, ils ont quand même un peu le temps. Mais elle s’inquiète car non seulement son neveu ne regarde pas sa femme, mais en plus, il passe le plus clair de son temps à jouer à la guerre. Avec des figurines, avec ses copains. Mais pas avec Catherine… Les années passent, et rien ne s’arrange… A 22 ans, Catherine II de Russie n’a toujours pas vu le petit oiseau de son époux. Elle s’en désole, mais le futur Empereur ne veut pas. Elle ne l’intéresse pas. En revanche, il est intéressé par d’autres femmes. Au grand dam de sa tante.
Les maîtresses
Toute sa vie, Pierre-Ulric va avoir des maîtresses. Mais une va particulièrement poser problème : Élisabeth Worontsoff . Lorsqu’il devient l’Empereur Pierre III, il veut l’épouser. Il veut virer Catherine II, la renier et se remarier… Mais malgré un exil de quelques jours, Catherine II va réussir à revenir au Palais, pour ne plus en partir !
Sergei Saltykov : Un amant payé par l’impératrice Élisabeth
Catherine, chaste, bienveillante, attend sagement que son époux lui reluque le décolleté pour espérer connaître sa première fois, perdre sa virginité qui fait honte à l’Empire et surtout pour remplir son ventre d’un héritier. Mais, ça vient vraiment pas… Alors tata Élisabeth va prendre les choses en main. Elle charge Bestoujeff, de dire à sa nièce qu’on lui accorde le droit d’avoir une aventure, et même qu’on l’oblige un peu quoi. Heureusement, tata Élisabeth est sympa et lui offre un beau gosse.
Une première aventure
En 1751, lorsque Catherine rencontre Sergei, son époux est en train de batifoler avec une maîtresse, sous les yeux de tous. Alors la future Impératrice ne se gêne pas pour faire des sourires ravageurs à Sergei. L’ami de Bestoujeff. Mais celui-ci est marié, un mariage d’amour, sincère et tout le tintouin. Ça fait rêver la future Catherine II de Russie. Et puis, un matin, alors qu’elle part à la chasse avec un Boris, elle tombe nez à nez avec Sergei qui lui propose d’aller se promener seul à seul. Et puis, ni une, ni deux, ça se roule des pelles sur la plage et on est à « ça » d’un coït. Mais Catherine refuse. Elle culpabilise ? Elle flippe ? On ne sait pas. Lorsque Sergei raconte son histoire à Bestoujeff, alors celui-ci passe la vitesse supérieure et va raconter à Élisabeth comment Sergei est fou d’elle. Un amour unique. Sincère. Comme son premier mariage… Bref. Catherine va succomber.
Un enfant (illégitime)
Évidemment, lorsqu’on fait du sexe sans se protéger, on finit par s’engrosser. Et paf. Catherine a un petit Sergei dans le ventre. Malheureusement… Alors qu’elle est en voyage entre Saint-Pétersbourg et Moscou. Catherine perd l’enfant. C’est une fausse-couche. Mais peu de mois après, les amants remettent ça et hop, c’est reparti, Catherine est à nouveau enceinte. Élisabeth l’apprend, elle est ravie. RAVIE. Mais elle va quand même faire comprendre à son neveu qu’il doit coucher avec sa femme. Sans connaître l’état de sa femme et à contre-coeur, Pierre-Ulric va… violer sa femme. Élisabeth est soulagée. LA couronne a un héritier. Bin oui, maintenant que Catherine est enceinte et qu’elle a couché avec son mari, tout le monde va croire qu’il en est le père. Lol. Personne n’y croit. Pas même Pierre-Ulric. Mais qu’importe, on lui lâche la grappe maintenant… Alors il ne dit rien et reconnaît le gamin. Pierre-Paul naît le 20 septembre 1754.
Juste après l’accouchement, le petit Pierre-Paul, est enlevé à sa mère pour être élevé dans les appartements de tata Élisabeth. Elle veut la meilleure éducation pour l’héritier. Aussi, après les relevailles, Catherine aura à peine le droit de croiser de temps en temps son fils… Et c’est une grande peine, d’autant plus que Sergei déserte le palais…
La disparition
Alors qu’il a donné un héritier à Élisabeth, la mission est remplie. Sergei Saltykov n’a plus de raison de rester dans les parages, alors il touche un pactole, et se fait la malle… Il a été nommé ministre à Hambourg par Élisabeth et toutes les filles tombent dans ses filets tant il se vante d’avoir engrossé la future impératrice. Pas classe.
Stanislas Poniatowski : un amour fou
Catherine est au bout du rouleau, humiliée, triste… Jamais plus elle ne sera amoureuse, jamais plus un homme ne pourra l’approcher… La routine post rupture quoi. Et pourtant… Elle va rencontrer Stanislas et bin, c’est reparti !
Un ami commun
Stanislas arrive à Saint-Pétersbourg grâce à ses nombreuses relations, il n’a pas une thune, mais il connaît bien Hanbury Williams, l’ambassadeur de Grande Bretagne en Russie. Stanislas va ensuite devenir ambassadeur de Saxe, et lors d’un bal organisé par Catherine II, il va tomber en amour. Elle aussi. Non seulement Stanislas est jeune, beau et bien fait, mais en plus, il est très intelligent. Contre les injustices, il refuse que sa maîtresse se laisse marcher sur les pieds, que Pierre-Ulric la maltraite, l’humilie ; Et il n’est pas le seul. Divers complots vont se mettre en place, la santé de tata Élisabeth est fragile, alors on se prépare à assurer la relève.
Le complot contre l’Empereur
Bestoujeff, toujours très proche de l’impératrice et de Catherine est inquiet de la santé d’Élisabeth qui est régulièrement prise de crise de démence, alors il envoie les décisions importantes vers Catherine, sans que Pierre-Ulric ne soit au courant de rien. Et Élisabeth non plus. C’est ainsi que va commencer la guerre contre la Prusse. Tout se passe bien, jusqu’au jour où le Maréchal Apraxine qui jusque là remportait toutes les victoires, déclare forfait, laisse ses hommes et ses armes et se barre. Tout le monde pense à un complot, une arnaque dont Catherine serait coupable…
Élisabeth qui reprend parfois ses esprits va faire la gueule, mais elle comprend assez bien la stratégie de ses hommes, il vaut mieux passer par la nièce que par le débile de neveu. En revanche, elle va chasser Stanislas en Pologne (il va d’ailleurs devenir Roi), pour montrer à la jeune fille qu’elle est mignonne et tout, mais qu’elle n’a pas les pleins pouvoirs.
Une nouvelle grossesse de Catherine II de Russie
Catherine est enceinte, c’est une petite fille. Anna. Comme pour Pierre-Paul, l’enfant lui est enlevée dès l’accouchement et elle ne verra la petite fille qu’une fois. Lorsque Catherine apprend le décès de sa fille, rapide, la petite n’a que neuf mois, elle se félicite de ne pas avoir eu l’occasion de s’y attacher. C’est fou hein, c’est une autre époque. Elisabeth va mourir peu de temps après. En janvier 1762, Pierre-Ulric est Pierre III et Catherine devient Catherine II de Russie.
Gregor Orlov : l’amour révolutionnaire de Catherine II
Alors que Stanislas est parti en Pologne, qu’elle ne le reverra plus jamais et qu’elle n’a aucune affection particulière pour sa fille, Catherine est cloîtrée chez elle. Le complot militaire est en train de se retourner contre elle, alors elle reste enfermée dans sa chambre. Elle s’ennuie, mais quelque chose l’interpelle. Différentes filles, dont certaines ne lui sont pas inconnues traversent la rue en face pour entrer dans une maison. Qu’est-ce donc que ce trafic ?
Un don-juan au Palais
Un prisonnier de guerre, un Prussien est captif de l’armée, mais vu que l’Empereur kiffe bien les prussiens, il lui offre un certain confort. Il vit en face du palais dans une charmante maison, avec deux hommes pour le protéger. Parmi eux, Gregor Orlov. Un beau gosse qui ne laisse aucune fille indifférente. Il veut toutes les pécho, et il y arrive. D’ailleurs, il doit se battre en duel avec un mari quelque peu jaloux, le général Chouvaloff. Eh oui, en plus, c’est un supérieur de Gregor. Tout est prêt pour le duel, et lorsque les deux hommes se retrouvent l’un en face de l’autre, Chouvaloff s’effondre. Une crise cardiaque. Gros coup de bol pour Gregor Orlov. Pendant ce temps, Catherine est passionnée par l’histoire de cet homme qu’elle veut à tout prix rencontrer. Mais comment faire ? Elle va demander à une de ses femmes de chambre de le lui conduire au palais, sans qu’il sache qu’il est au palais. Elle le fait alors monter dans une voiture et lui bande les yeux. Le mec est moyen rassuré. Ils font trois fois le tour des rues, et reviennent devant la maison de Gregor et devant le palais. Toujours les yeux bandés, la jeune femme l’aide à monter jusqu’aux appartements. Et paf. Le coup de foudre. Et une longue histoire d’amour va se jouer dans le palais.
Une grossesse cachée
Durant près de neuf mois, Catherine II de Russie a réussi à cacher sa grossesse à Pierre-Ulric. Faut dire que c’est pas ce qu’il la regarde… Mais le soir de l’accouchement, c’est plus compliqué. Leurs appartements sont tout proche, et elle commence à gueuler à chaque contraction. Une légende raconte alors que la femme de chambre de Catherine, complice, veut faire sortir Pierre-Ulric du palais, et étant un grand passionné de feu… Elle va mettre le feu à une maison pour que Catherine puisse accoucher tranquillement, en présence de son amant Gregor. Pendant que l’Empereur assiste à l’embrasement de la maison. L’accouchement se passe bien, c’est un petit garçon qui va être recueilli par des cousins de Gregor. Elle ne reverra jamais son enfant, Alexis. Mais au moins, elle n’a pas le temps de s’y attacher hein… Puis en plus, on n’a pas le temps pour ça… Une Révolution se prépare…
Une Révolution pour Catherine II
Eh oui, alors que la Russie a mené une guerre contre la Prusse pendant des années, le nouvel Empereur, lui, adore les prussiens, alors il dit non à la guerre et il leur rend des territoires durement gagnés. J’aime autant vous dire que l’armée fait grave la gueule, parce qu’un paquet de mecs sont morts sur les champs de batailles. Gregor, qui couche toujours avec l’Impératrice, a une grande influence dans l’armée, et il veut faire destituer l’Empereur au profit de l’Impératrice Catherine II de Russie. Et ça va marcher le 9 juillet 1762. Pierre III a régné 6 mois avant d’être viré et… tué.
Devenue Impératrice en nom propre, malgré la mort de son mari et plus de 16 ans de relation, Catherine II de Russie va refuser d’épouser Gregor Orlov. Et après leur séparation en 1772, les autres amants seront nombreux…
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j »adore cette façon de raconter
Bonjour ! Je suis tombée sur ton blog par hasard en cherchant le nom du premier amant connu de Catherine II (Saltykov). Je me suis bien marrée en lisant certains paragraphes de cette page, et les titres aussi 🙂
Bravo, c’est super sympa. C’est une belle façon de faire partager tes lectures. N’hésite pas à partager avec nous les titres des livres que tu recommandes ou pas d’ailleurs !
Bonne continuation pour ton blog !
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Génial cet article! Très bien écrit et surtout très intéressant! merci!
Ah oui, bravo. Merci
Bonjour,
Voyons réellement Catherine II, derrière le voile de l’imagination fertile masculine.
La Russie était tombée dans un état lamentable quand apparut la grande Catherine II, qui fut pour son pays une sorte de Providence vivante, une rénovatrice de la vie intellectuelle, morale, matérielle.
A ce moment, le pays était livré à l’ignorance, au luxe, à la grossièreté. Cela faisait une société où le désordre allait de pair avec le pouvoir.
Il fallut une femme pour arranger tout cela.
Catherine fut d’abord une femme malheureuse ; c’est cela qui la grandit et lui donna la connaissance de la nature humaine. « Mes deux maîtres, disait-elle, furent l’isolement et l’adversité. » Pendant 18 ans, elle vécut ainsi, isolée et désolée. Abandonnée de son époux Pierre III, qui passait ses journées à jouer avec des poupées et des soldats, et ses nuits dans des orgies immondes, Catherine fut à bonne école pour étudier l’homme. N’étant encore que fiancé, ce prince absurde et cynique se plaisait à entretenir la jeune fille qui allait devenir sa femme, de ses maîtresses et de ses intrigues amoureuses.
C’est pendant que son mari s’amusait, que Catherine employait son temps à étudier la Russie, cette nouvelle patrie sur laquelle elle, princesse allemande, allait régner. Elle lisait, étudiait, cherchait, se rendait compte de toutes choses ; c’était le temps des idées nouvelles, elle connaissait les œuvres de Montesquieu, de Bayle, de Voltaire, de Rousseau, et s’assimilait l’esprit du siècle, qui du reste était le sien. Elle s’appliqua très sérieusement à devenir une grande souveraine, et ses efforts furent couronnés par l’attachement profond que le peuple russe lui témoigna pendant les 34 années de son règne. La Russie tout entière l’appelait sa « Mère ». Ce fut une véritable restauration du régime féminin.
Dans des notes qu’elle laissa et qu’elle écrivait dans sa solitude, on trouve ces phrases :
« Dieu m’est témoin que je ne souhaite que le bien du pays où sa volonté m’a appelée à régner. La gloire de la Russie est ma gloire. C’est mon principe. Je veux ce but général ; rendre tout le monde heureux.
« La liberté est l’âme de tout ; sans elle, tout est mort. La liberté politique anime tout.
« Pour un souverain qui veut être aimé et veut régner avec gloire, un pouvoir dépouillé de la confiance de son peuple ne signifie rien. Cette confiance est facilement atteinte par le vouloir du bien public et par la justice.
« La paix est indispensable pour un grand empire comme la Russie. Nous avons besoin d’accroître la population, non pas de la diminuer. Ceci pour la politique intérieure ; pour l’extérieur, la paix nous assure plus de grandeur que les hasards d’une guerre toujours ruineuse.
« Réunir la mer Caspienne à la mer Noire et la mer Baltique à la mer du Nord, et diriger par là tout le commerce indo-chinois, aurait pour résultat d’élever la Russie à un degré de puissance supérieur à celui des autres puissances.
« Qu’est-ce qui pourrait s’opposer au pouvoir sans limite d’un souverain gouvernant un peuple de guerriers ? » (Bilfacoff, Catherine II, p. 246).
Catherine II estimait que le gouvernement des peuples est soumis comme celui des individus à des règles fixes, et c’est l’évolution sociale qu’elle s’efforçait d’étudier, cherchant à réaliser dans les limites de son pouvoir les rêves de justice et de progrès des philosophes de son temps.
C’est dans le but de faire des réformes qu’elle convoqua à Moscou, en 1767, des députés de toutes les parties de la Russie ; ils furent 545, à qui elle proposa l’examen d’un projet grandiose de réformes sociales. Elle se faisait l’illusion de croire que tous ces hommes allaient d’emblée comprendre ses idées généreuses. C’est dans son célèbre Nakaze, qu’elle leur présenta, que l’esprit de Catherine II se révéla surtout.
Ce travail comprenait 655 paragraphes, entièrement composés par l’Impératrice qui y mit toute sa sagesse, toute la force de sa pensée, se faisant législatrice sans consulter aucun homme, ne voulant même pas connaître leur opinion pendant qu’elle travaillait, de peur d’en être impressionnée. Elle disait : « Il s’agit de passer un seul fil et de s’y tenir fermement. »
Naturellement, son entourage la critiquait, les députés devant elle furent confus et indécis, mais elle eut le courage de persévérer dans sa grande entreprise, elle ordonna aux députés d’examiner ce Nakaze et leur demanda de lui faire connaître les besoins du peuple dans chaque province qu’ils représentaient. Le Nakaze fut appelé « le Grand Édit ». Leurs exposés furent appelés « Petit Édit ».
Les travaux commencèrent par la lecture du « Grand Édit ». Les députés furent littéralement transportés, d’enthousiasme par le clair bon sens de l’Impératrice. Habitués à l’assujettissement servile, attachés eux-mêmes à l’ancien ordre de choses, ils recevaient du pouvoir suprême un exemple unique dans l’histoire de la Russie. Contrairement à tous les anciens usages, on les appelait « citoyens ». On les engageait à rendre compte de toutes choses cachées sous des apparences trompeuses et mensongères. Ainsi, lepouvoir suprême proposait à l’examen la conception d’un principe souverain de justice ordonnatrice ! Cette conception, offerte à des hommes ignorants, demeura obscure dans la plupart des esprits, qui ne comprirent pas les principes du Nakaze, tels que ceux-ci :
« L’égalité de droit est dans l’égalité de lois pour tous les citoyens indistinctement.
« Faites que les gens craignent les lois et ne craignent personne, excepté elles.
« La liberté consiste dans la possibilité pour chacun d’agir selon ses facultés, sans se voir obligé à faire ce qui leur est contraire.
« Nul ne doit porter condamnation pour ses paroles. Les paroles ne sont pas des actes qui souffrent châtiment. Parfois le silence exprime plus que la parole.
« La défense ou la poursuite de certain culte est un mal pour la paix et le repos des citoyens.
« C’est un grand malheur de ne pouvoir dire librement son opinion sous certains gouvernements. »
Ces idées nouvelles étaient trop élevées pour être appréciées de l’esprit public qui régnait alors en Russie, et qui instinctivement les repoussait. Cependant, les députés furent vivement impressionnés en entendant les dernières phrases du Nakaze :
« Tout cela n’est pas fait pour plaire aux flatteurs qui, possesseurs des biens terrestres, croient que le peuple est fait pour eux, alors que nous croyons et mettons notre gloire à croire que c’est nous qui sommes faits pour notre peuple ; en raison de quoi nous sommes obligés de dire les choses comme elles devraient être. Que Dieu nous préserve, après les travaux de ce Code, qu’il y ait un peuple plus équitable, et par conséquent plus heureux : l’intention de nos lois ne serait pas accomplie. Je souhaite de ne pas voir ce malheur. »
Ces idées réformatrices étaient l’expression de la pensée féminine, enfin libre de se manifester ; c’était une brillante résurrection de la Justice et du Droit planant par-dessus les institutions existantes, reniant implicitement le despotisme des mœurs de la Russie moscovite, reniant les édits tyranniques de Pierre le Grand, et entrant d’emblée dans une période humanitaire jusque là inconnue dans les États masculins.
Catherine, en femme supérieure, comprenait la raison d’être du Pouvoir, et le représentait comme une autorité morale exerçant une action providentielle pour le bien de tous.
« Où est la raison du gouvernement autocratique ? Non celle d’ôter aux hommes leur liberté naturelle, mais celle de diriger leurs actes vers la plus grande part du bien. Par conséquent, le meilleur des gouvernements est celui qui est le plus en rapport avec la raison qu’on doit supposer aux êtres pensants pour la fin que tout gouvernement doit poursuivre sans relâche. La raison et la fin de l’autocratie, c’est la gloire des citoyens, du pays et du souverain. De cette gloire découlent pour les peuples l’unité de pouvoir, la liberté raisonnable pouvant produire pour les peuples, par le gouvernement autocratique, autant de bien que la liberté. »
Elle comprenait le rôle des souverains autrement que les hommes. « Si chacun remplissait son devoir, disait-elle, on n’aurait eu besoin ni de souverain, ni de gouvernants. »
Ces idées sont celles des théoriciens de l’anarchie ; son Nakaze, écrit depuis plus de 220 ans, ne serait pas renié par eux ; ses principes, appelés les Lois de la Justice, sont de tous les temps, parce qu’ils ont toujours été l’expression de la pensée féminine, mais il fallait qu’une Femme, par sa haute situation, fût à même de les proclamer et de les faire écouter. Catherine II eut cette gloire ; elle ne fut pas un souverain ordinaire, occupant un trône, elle gouverna réellement la Russie. Et ce gouvernement supérieur sembla aux hommes politiques de ce temps un événement presque miraculeux. Le comte Minich, un des personnages les plus considérables du XVIIIème siècle, disait en 1765 : « Le gouvernement russe a cette supériorité sur tous les autres, il est régi par Dieu lui-même ; autrement, on ne saurait s’expliquer comment il se soutient. »
Voilà la puissance féminine rendue à sa première forme : la Divinité, la Dêva régnant sur les hommes.
Le prince Souvaroff, admirant ce résultat, disait à ce propos : « De la chance une fois, deux fois, à la fin il faut du savoir. »
La Russie n’eut jamais de jours plus glorieux que ceux pendant lesquels elle fut régie par une femme. Et, si ses grands projets n’aboutirent pas à une réforme complète dans la forme du gouvernement, c’est parce que les hommes qui l’entouraient, sur lesquels forcément elle devait s’appuyer, avaient des opinions contradictoires qui entravaient ses vues ; les 545 députés réunis à Moscou apportèrent à cette mémorable réunion leur scepticisme autant que leur bon vouloir. Elle les appelait pour fonder le « Bien » de l’Empire, elle leur disait : « Instruisez-moi de vos nécessités. Communiquez-moi vos sujets de plainte. Quels sont vos maux ? Je n’ai nul système préconçu, je ne veux que le bien général, qui est du même coup le mien propre. Travaillez, réunissez les matériaux, édictez des lois, sachez ce que vous voulez. » Et, successivement, les opinions se manifestaient, chacun exposant ses idées, ses méthodes, ses principes. De tout cela sortirent, cependant, des réformes importantes. Les députés ouvrirent le débat sur les conséquences du Nakase. Leurs vues étaient étroites, alors que l’idéal politique de l’Édit était d’une ampleur qui dépassait leur portée et se rapprochait des principes de la Convention. La théorie de l’équilibre économique de l’Impératrice se rapprochait de celle des socialistes au point de vue du sacrifice de l’individu à l’État.
Les réformes proposées furent diversement acceptées par les députés, et, si quelques-unes n’aboutirent pas, c’est à eux qu’il faut s’en prendre et non à elle.
Cependant, le Comité législatif des députés s’occupa de rédiger de nouvelles ordonnances (Oulogénie, prolongement du Nakase), en vertu de cette tendance qu’ont les hommes d’imiter ce que font les femmes après les avoir critiquées, et de prétendre faire mieux. Ils y travaillèrent pendant deux ans sans aboutir, et furent interrompus, du reste, par ce cri jeté sur les frontières de la Turquie : « La Patrie est en danger ». On était en 1768 et la guerre se faisait menaçante. Les députés, presque tous militaires, se rangèrent sous les drapeaux, et le Comité fut provisoirement dissous. Une sous-commission continua ses travaux et prépara la mise en œuvre de quelques-unes des mesures juridiques et administratives de l’Impératrice, celles par exemple qui concernaient l’administration des gouvernements (des provinces), le faire-part à toutes les villes de Russie, les lois sur le sel, sur la navigation, la transformation de l’usine d’armement de Toula, l’amélioration des voies de communication, etc., etc.
Catherine II fut une novatrice qui voulait équilibrer ses réformes et les mettre en rapport avec les nécessités du pays. Son décret fut appelé la « Bulle d’or » de la Russie. C’est que l’esprit du Nakaze était la justice raisonnée pour résoudre le problème social d’une manière directe. Quel but immense ! Et quelle résolution, quelle audace ! Seule des souverains russes, elle arriva au pouvoir avec un programme précis qui représentait la pensée des plus grands esprits du siècle. La valeur de cet acte apparaît comme un trait de génie à ses contemporains, comme à la postérité. Il ne dépendit pas d’elle de réaliser les idées émises dans le décret, mais des représentants des classes privilégiées, peu préparés à comprendre les idées d’égalité et de justice.
L’Impératrice adapta son outillage gouvernemental aux conditions de son siècle. Sa pensée exerça une influence immense sur une génération qui produisit des grands hommes faits à son image. En faisant appel à la raison, à la solidarité des forces sociales, elle lia sa politique au progrès, aux intérêts de tous, tout en affirmant le principe d’autorité qu’elle représentait, le pouvoir absolu, qu’elle incarnait et qui n’avait de limite que dans l’action entravante de ses auxiliaires, elle reconnut un pouvoir propre à une assemblée de délégués, et sut ainsi imposer le respect pour l’opinion des autres.
C’est pour respecter elle-même l’opinion des autres qu’elle sacrifia ses idées sur l’émancipation des serfs et l’abolition de l’esclavage.
Dans la première rédaction du Nakaze se trouvait un paragraphe « sur la nécessité de libérer les serfs ». L’opinion générale y fut si défavorable que l’Impératrice se vit forcée de le supprimer de la rédaction définitive de son décret, sacrifiant son opinion personnelle qu’elle avait soutenue déjà n’étant encore que Grande-Duchesse.
Voici comment elle avait d’abord formulé ce paragraphe : « Il aurait fallu établir, disait-elle, que dorénavant, après l’achat d’une propriété par un nouveau possesseur, tous les serfs soient libérés à partir de ce moment. Comme, dans le courant d’une centaine d’années, les terres changent de propriétaire, cent ans suffiraient pour la libération de tous les paysans. » Plus tard, quand l’expérience lui fit constater ce que les formes d’État renferment de survivances, de rétrogradation, elle se préoccupa surtout des relations de justice entre le maître et le serf. Ayant ainsi appris que le Sénat avait ordonné l’extermination de tout un village pour cause de meurtre d’un propriétaire, l’Impératrice écrivit au-gouverneur général : « Une mesure comme le massacre de tout un village pour venger la mort d’un propriétaire, prophétise des désordres plus grands encore. La situation des serfs est critique, des mesures de paix et d’humanité peuvent seules assurer le repos. »
Le Nakaze fut, selon ses propres paroles, changé, transformé, dans le but d’unifier les lois avec les faits dus à l’expérience. L’Impératrice avait écrit son Décret dans le but de le faire lire au plus grand nombre possible de personnes. Le Sénat en jugea autrement ; ces hommes eurent peur des idées libérales de leur souveraine, ils limitèrent le nombre d’exemplaires à expédier dans toute la Russie à 57, envoyés aux établissements les plus importants, pour être consultés à titre de renseignements, mais avec défense absolue de les donner en main aux fonctionnaires, non seulement pour être copiés, mais même pour être lus. Et voilà comment l’action, bienfaisante de la Femme est toujours entravée par la volonté réactionnaire de l’homme, même quand cette femme est une souveraine. Quelle leçon !
Malgré tout, le Nakaze eut un résultat considérable, et, si le règne de Catherine sembla finir moins libéralement qu’il n’avait commencé, c’est qu’elle se vit forcée de sacrifier ses impulsions féminines au courant du despotisme masculin qui régnait malgré elle par la force de l’habitude et des traditions. C’est pour cela que les évolutions sont lentes ; chaque effort de la Femme est suivi d’une réaction de l’homme, et c’est toujours à recommencer.
Cependant, elle accomplit de grandes choses. En voici un exemple :
En 1778, quand les États-Unis s’armaient contre la métropole, sous prétexte de guerre, les bateaux marchands d’Arkangelsk étaient poursuivis par les croiseurs américains et anglais. L’Impératrice s’en plaignit vertement à l’ambassadeur d’Angleterre, qui essayait de la tranquilliser : « Vous paralysez notre commerce, vous arrêtez notre navigation ; je donne à cela une grande importance. Le commerce est né de mes soins, et vous ne comprenez pas que je me fâche ! » D’autre part, l’Impératrice écrivait : « Savez-vous le mal que me font ces croiseurs ? Ils se saisissent des bateaux de commerce partant d’Arkangelsk. Ils se livrent à ce beau métier en juillet et en août, mais, ma parole, le premier qui touchera au commerce d’Arkangelsk aura à s’en repentir cruellement. Je ne suis pas Georges III, et on ne peut pas me mener par le nez comme on l’entend ».
Tout ceci se passait en 1779, et, le 28 février 1780, la célèbre « Déclaration des lois de neutralité pour le commerce » était signée.
Le Danemark, la Suède, l’Autriche, la Prusse, le Portugal, le royaume des Deux-Siciles, approuvèrent ce traité de Justice supérieure imposé à l’Europe par la conscience droite d’une Femme, et l’Angleterre dut céder et retirer les instructions secrètes par lesquelles elle soutenait le brigandage des mers.
Cette « Déclaration de la neutralité du commerce », ce « miracle », selon l’expression de Frédéric II, est entièrement l’œuvre de la grande Catherine. Elle représente le « régime du Droit » fondé sur la Justice, qui émane spontanément de l’esprit féminin, et qui est le secret du bonheur social. Ce principe de droit, est en opposition absolue avec le régime injuste basé sur l’arbitraire de l’homme.
L’esprit de reconnaissance qui anima le peuple russe prouve combien les victimes du despotisme avaient fondé d’espoir sur le gouvernement d’une Femme, et, s’ils ne furent pas entièrement soulagés par elle, c’est que cela ne fut pas en son pouvoir. Elle voulut plus de bien pour la Russie qu’elle ne put lui en faire. Catherine mettait les réformes intérieures au-dessus des succès extérieurs.
Ce tableau, fait en 1781 par le célèbre Bezky, le prouve.
Dans le cours de ces derniers dix-neuf ans :
23 gouvernements organisés d’après les nouvelles ordonnances.
144 villes fondées et réorganisées.
30 conventions et armistices.
78 lois et édits publiés.
88 lois et mesures prises pour l’allégement du peuple.
Cela fait un total de 384 affaires intérieures.
On ne compte dans le même temps que 108 affaires extérieures.
Les conclusions à tirer de ce glorieux règne d’une femme, c’est que, quand la femme peut exercer son autorité, elle le fait dans l’intérêt des autres, dans l’intérêt général, c’est qu’elle cherche à faire régner la Justice, à faire respecter le droit, à augmenter le bien-être, à supprimer les charges. Avec ces grandes femmes ainsi que celles plus contemporaines, nous voyons renaître la Justice féminine qui régna dans les premiers temps de l’histoire, et fut la base du matriarcat ; c’est l’impulsion donnée par ces grandes femmes d’État qui créa le courant nouveau des idées que des hommes arrivent enfin à comprendre et à accepter, se croyant une avant-garde quand ils ne font que suivre une pensée féminine émise depuis plus de deux siècle. Mais peu importe si l’idée fait son chemin, puisque du reste la femme ne peut rien sans le concours de l’homme. Mais combien il est lent dans l’œuvre du progrès !…
Catherine II mourut en 1796. C’est elle qui démembra la Pologne trois fois, qui acheta la Crimée, développa la civilisation en Russie, et introduisit dans le code russe des lois libérales pour les femmes.
Catherine II continua les desseins de Pierre le Grand, possédant aussi bien que cet empereur le sens des intérêts slaves imposant ses propres vues à tous ses ministres, joutant avec une aisance incomparable contre les plus rusés diplomates de l’Angleterre, justifiant enfin ce mot de Frédéric II : « La Russie, avant la fin du siècle, fera trembler l’Europe. »
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Cordialement.
cool
BONJOUR si nos cours d’histoire pouvaient être enseignés ainsi au collège et lycée ça serait TOP !