Einar Wegener est la première personne à avoir changé de sexe. En 1930, Einar passe sur le billard en Allemagne pour connaître une opération de réattribution sexuelle. La première au monde ? Non. Mais il devient physiquement Lili Elbe. Découvrez la vie de Einar Wegener, de Lili Elbe, et de son épouse Gerda Gottlieb.
Einar Wegener et Gerda : le couple d’artiste
Einar Wegener est né le 28 décembre 1882, c’est un peintre reconnu au Danemark durant la Belle Epoque. En 1904, il épouse Gerda Gottlieb, plus jeune de quelques années. Également peintre talentueuse mais qui a bien du mal à faire reconnaître son art. Faut dire que quand on est une meuf c’est jamais simple d’être reconnue, quoiqu’on fasse. (Je vous ai déjà dit que beaucoup de lecteurs pensent que je suis un homme parce que je parle de sexualité ET que je suis drôle ? [Enfin…] Oui oui, c’est vrai… Dans le doute, lorsqu’on ne sait pas, on m’appelle Monsieur. Bref.)
Les deux artistes mènent le parfait amour, ils vivent une vie d’artiste qui les conduit à se déplacer au fil des expositions de l’un ou de l’autre. Ils partent en Italie, en Angleterre puis en France, où ils vont s’installer plus durablement à partir de 1912. Malgré la guerre, le milieu de l’art va bon train et le couple se fait remarquer par ses frasques mais surtout son talent. Gerda est enfin sollicitée pour ses illustrations de mode par des magasines tels que Vogue, Secrets des Dames et des Modes, ou encore La Vie Parisienne. C’est plutôt classe ! Bientôt, avec l’aide de son époux, ses peintures vont également être appréciées.
La rencontre entre Einar et Lili Elbe
Alors que Gerda doit rendre un tableau rapidement mais que le modèle ne se présente pas, elle demande à Einar Wegener de bien vouloir prendre la pose pour elle. Einar accepte volontiers d’aider Gerda et se travestit une première fois pour elle. Puis une deuxième, une troisième fois et finalement, Einar aime ça. Il aime porter de la soie, il aime se maquiller, porter les cheveux longs et apprendre la gestuelle féminine (à l’époque, il est important pour une femme d’avoir une gestuelle coquette et dite « féminine ». C’est sexiste, mais c’était comme ça.) Einar vient de rencontrer Lili Elbe. Cela faisait longtemps qu’il la sentait en lui. Mais désormais il veut vivre avec Lili, il veut vivre en tant que Lili Elbe.
Lili Elbe, la muse de Gerda Wegener
Loin de rejeter l’idée, Gerda encourage son époux à se travestir. Gerda peint Lili sous différents angles, dans diverses situations. Lorsque le couple sort, elle présente Lili Elbe à ses ami-e-s comme la cousine d’Einar. Et bien sûr, comme modèle de la plupart de ses portraits. D’ailleurs, de nombreuses galeries se disputent les œuvres. Sans savoir, dans un premier temps, que le modèle est son époux.
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Lorsque tout le monde apprend la vérité sur Lili, le milieu de l’art perçoit dans Gerda un vrai talent pour la représentation des thèmes de l’amour, du sexe et de l’érotisme. Alors qu’à l’époque, il est déjà mal vu qu’un homme dessine des nichons, mais alors une femme ! Quelle horreur ! Et pourtant, Gerda va faire de nombreuses illustrations érotiques * * et encore aujourd’hui les collectionneurs se bastonnent pour les avoir.
Einar Wegener est Lili Elbe
Lili pose durant plusieurs mois pour Gerda, elle porte des robes, des bas, se maquille et se parfume « comme une femme », mais il manque quelque chose à Lili Elbe. Elle se sent femme, elle est femme, mais physiquement, ça cloche. Elle veut se faire enlever le service trois pièces. Elle veut avoir un vagin, une activité sexuelle et elle veut pouvoir être mère. Alors en 1930, elle part en Allemagne voir le médecin Magnus Hirschfeld pour qu’il lui retire les testicules.
[Magnus Hirschfeld va lutter durablement contre le paragraphe 175, contre la pénalisation de l’homosexualité en particulier pendant les années 1930 et il revendique la théorie du « troisième sexe »]
A ce sujet, vous pouvez lire les articles sur : Rudolf Brazda, homosexuel pendant la Seconde Guerre mondiale et celui sur Carl Vaernet, le médecin qui au contraire de Magnus Hirschfeld tentait de guérir les déviances sexuelles.
L’opération a lieu à Berlin et c’est un succès. Alors c’est douloureux hein, à l’époque on est pas super au point sur l’anesthésie et sur les antalgiques, mais la chirurgie est une réussite. Quelques mois plus tard, une nouvelle opération est prévue, à Dresde cette fois. Le chirurgien lui retire le pénis et transplante des ovaires. Malheureusement, ça foire un peu et il faudra deux nouvelles opérations pour les lui retirer. Cette année-là, Lili Elbe reçoit son nouveau passeport. Légalement, civilement, elle est enfin Lili Elbe. Bon, en revanche, son mariage avec Gerda ne tient plus. Bin ouais, le mariage pour tous c’est pas encore d’actualité alors le roi Christian X annule leur union en 1930.
En 1931, une nouvelle opération est prévue pour Lili Elbe : la transplantation d’utérus. Le chirurgien greffe un utérus à Lili, dans l’espoir que celle-ci puisse devenir mère. Hélas, Lili va rejeter l’utérus et décède. Sans doute d’une infection.
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En 2000, l’auteur David Ebershoff s’inspire de la vie de Lili Elbe et Gerda Wegener pour son roman The Danish Girl. L’histoire est adaptée au cinéma en 2016, dans le film, les détails romancés du livre sont supprimés afin de montrer le plus justement possible la vie de Lili Elbe.
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Je trouve irresponsable ce médecin qui, en sachant l’état des connaissances à son époque, a transplanté des organes sur cette pauvre Lili. C’est comme s’il l’avait condamnée à mourir des suites d’un rejet… Même aujourd’hui c’est une opération très délicate. Enfin autre temps, autre éthique…
La médecine avance dans le sang, c’est comme ça. Si aujourd’hui on peut effacer des becs de lièvre et greffer des visages c’est grâce aux centaines (surement plus) de personnes qui se sont faites charcuter auparavant. Je pense aux fameuses gueules cassées de la première guerre par exemple.
Et puis la pauvre Lili, si elle ne connaissait pas les risque, devait bien se douter qu’après une première greffe moins audacieuse s’étant soldée par un échec il y aurait des risques.
Merci de nous rappeler la réalité de la « médecine » .
je salut ce médecin qui est allé au bout de ses convictions qui à l’époque étaient très controversées et j’admire cette lili qui aurait du compte tenu de l’avancée de la médecine s’en tenir a un vagin et vivre sa vie de femme sans tenter le diable en voulant être mère….. elle aurait pu vivre cette vie tant désirée
Jai bcp aime la facon de décrire. Merci. Beau résumé.