Isabelle de Bourbon-Parme, mais qui est-ce ?
En théorie, la jolie Isabelle a une famille parfaite. Elle est la petite-fille de deux rois : Louis XV est son grand-père maternel, Philippe V d’Espagne son grand-père paternel. Ça en jette, vu comme ça.
Mais en fait, c’est pas terrible. J’veux dire, d’un point de vue biologique quoi. Philippe V d’Espagne est l’oncle de Louis XV.
Je t’explique. Faut repartir de plus loin.
Un peu de généalogie royale
Tu vois Louis XIV ? Il a eu un fils, le Grand Dauphin ; vu que c’était l’aîné il devait être roi, mais bon le mec il a régné plus de cinquante ans, increvable le Roi Soleil. Du coup, le Grand Dauphin est mort avant son père. Et je te raconte sa mort dans le tome 2 de Raconte-moi l’Histoire!
Donc c’est le fils aîné du Grand Dauphin qui doit hériter de la couronne : Louis de France. Louis de France a un petit frère, Philippe, futur Philippe V d’Espagne. Et Louis de France a un fils, le futur Louis XV. Philippe V est donc l’oncle de Louis XV.
Isabelle de Bourbon-Parme et sa famille
Ses deux grands-pères sont enclins à la dépression, aux humeurs noires. D’ailleurs Philippe V meurt d’une crise de folie.
En revanche, ses deux grands-mères sont assez équilibrées. Qu’il s’agisse de Marie Leszczynska ou d’Elisabeth Farnèse, elles aiment profondément leur petite-fille. Il vaut mieux pour Isabelle d’ailleurs, parce que son père Philippe est envoyé en France et Italie pour des affaires et sa mère, Marie-Louise-Élisabeth de France, la déteste.
Les années espagnoles d’Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1748)
Isabelle est née en décembre 1741 ; sa mère a alors 14 ans et fait une bonne crise d’adolescence (on ne peut pas le lui reprocher). Louise-Élisabeth se tape un baby blues de folie et elle déteste sa fille pour deux raisons.
* Premièrement, c’est une fille.
* Deuxièmement, sa naissance l’empêche de suivre son mari à travers l’Europe, au gré des guerres.
En effet, à partir de février 1742, Philippe parcourt la France et l’Italie pour gouverner les troupes espagnoles lors de la guerre de succession d’Autriche. Il ne reverra sa famille que huit ans plus tard.
Durant ses premières années, Isabelle n’est pas une petite fille sage : elle court, elle s’amuse… un enfant normal quoi. Sa mère pète un plomb et lui impose une éducation très stricte. Puis quand elle en a marre, c’est la bonne qui s’en occupe.
Du coup, Louise-Élisabeth est jalouse de la complicité de sa fille et la bonne. Bref, la mère bien, bien relou qui te gueule dessus mais qui voudrait des câlins (un peu comme certains mecs en fait). En grandissant, Isabelle reste très active, surtout dans sa tête : elle s’intéresse à tout, elle parle couramment espagnol et français et entretient une correspondance avec son papy, Louis XV.
Le 18 octobre 1748, le traité d’Aix de la Chapelle signe la paix et donne à Philippe le duché de Parme. Toute sa petite famille va pouvoir le rejoindre en Italie. Après l’Espagne et la paella, l’Italie et les pizzas. Culinairement, c’est pas mal.
Louise-Élisabeth n’a pas vu son mari depuis huit ans — donc en théorie 2920 jours d’abstinence sexuelle. Bravo madame. Mais avant de se rendre à Parme, elle décide de passer par Versailles (c’est vachement le chemin) : ça fait neuf ans qu’elle n’a pas vu Henriette, sa sœur jumelle, et son père, Louis XV.
L’éducation française d’Isabelle de Bourbon-Parme (1749)
Isabelle est ravie de rencontrer sa famille maternelle et adore la maîtresse de son papy, la Pompadour. Elle va la voir au théâtre et l’imite pendant les repas de famille. Classe.
En France, elle développe ses bonnes manières et son langage ; elle rencontre aussi un rhinocéros dans les rues de Versailles (c’est le détail pas du tout important de l’histoire, mais bon, c’est exotique).
Et puis c’est la fin des vacances, il est temps pour la petite fille d’aller à Parme, de découvrir un nouveau pays, une nouvelle ville, un nouveau château, et son père aussi, accessoirement.
Les années italiennes d’Isabelle de Bourbon-Parme (1749-1760)
Isabelle arrive le 20 novembre à Parme, où son père lui procure amour et tendresse. Il apporte aussi beaucoup de love à sa femme, Louise-Élisabeth, puisqu’il lui fait deux enfants en très peu de temps, Louise et Ferdinand.
C’est un peu la Dolce Vita pour Isabelle : elle apprend plein de choses et s’occupe de son frère et sa sœur, tout en étant chérie par son père.
Mais selon Isabelle, la population n’a pas l’élégance française et n’est pas très funky :
« Des jupes à mi-jambe, la tête toute nue et toute la gorge aussi, semblaient devoir annoncer la légèreté (…) un derrière aussi gros qu’un tambour, des jambes en forme de piliers capables de soutenir la voûte la plus forte étaient une annonce de la maussaderie. »
De plus, la vie italienne, ce n’est pas terrible. En Espagne déjà, c’était moyen riche, mais c’était cool. Ensuite Versailles, grand luxe, jardin, fontaines et tout ça quoi… En revanche, à Parme, leur château est naze, ils doivent tout refaire. Un taudis.
Louise-Élisabeth fait la gueule : fille de Louis XV, elle vaut mieux qu’un château dégueulasse. Aussi, elle va décider de renouer avec des personnes fortunées. Pour cela, rien de tel que l’organisation du mariage de sa fifille. Elle ne peut pas la saquer son Isabelle, mais bon, si elle peut rapporter or et honneur, j’veux dire, pourquoi pas…
Aussi, elle va essayer de la marier — à un prince espagnol ou à la famille autrichienne, elle hésite.
Louise-Élisabeth va se rendre deux fois à Versailles pour mener à bien les négociations, en 1752 et en 1759. Malheureusement elle ne verra jamais sa fille épouser l’archiduc autrichien Joseph. Pour deux raisons : Louise-Élisabeth meurt à Versailles de la variole en 1759, et secondement, le mariage va se faire par procuration, donc la cérémonie aussi.
Si Louise-Élisabeth a été plus ou moins tyrannique, plus ou moins sympa, douce et attentionnée envers sa fille, il se trouve qu’à partir de sa mort, la petite Isa va connaître les mêmes problèmes que ses grands-pères : peur de la mort, dépression et tout le bordel.
Mais elle va garder la face ; son mariage a lieu en septembre 1760, même si elle pleure toutes les larmes de son corps lorsqu’elle se sépare de son père, son frère et sa sœur.
La vie d’archiduchesse à Vienne
Isabelle joue le rôle d’archiduchesse à la perfection et plaît à sa nouvelle famille immédiatement. Faut dire qu’elle a appris l’allemand et a étudié les guerres pendant des mois et des mois pour être à la page.
Joseph, le mari d’Isabelle, va tomber fou amoureux d’elle… cependant, il n’en est pas de même pour la jeune épouse. Elle ne sera jamais comblée avec Joseph car elle est amoureuse d’un autre membre de la famille.
Un ventre à remplir, des enfants à fournir
Si Isabelle satisfait tout le monde à la cour, il ne faut pas oublier son rôle de pondeuse. On se marie pour enfanter ! Deux mois après leur mariage Isabelle et Joseph s’apprêtent à être parents, mais une fausse couche vient rapidement briser ce bonheur.
La première naissance aura lieu en mars 1762, c’est une petite fille en bonne santé. En janvier 1763, une nouvelle fausse couche ôte l’espoir d’avoir un héritier mâle (c’est mieux quand même).
Et lors de sa dernière grossesse, Isabelle est très fatiguée, elle a beaucoup de fièvre en novembre et la naissance de sa fille le 22 novembre (qui va mourir très vite) va finir de l’épuiser.
Isabelle décède dans la nuit du 26 au 27 novembre 1763. Elle a 21 ans.
L’archiduchesse est morte, vive l’archiduchesse !
Joseph est très triste, mais sans héritier mâle, sa mère pense déjà à le remarier. Et… alors qu’on vient d’enterrer la jeune Isabelle, Joseph ne veut se marier qu’avec Louise, la petite sœur. Qui peut mieux remplacer une jolie épouse que sa propre sœur ?
Or, les négociations sont impossibles : Philippe et Louise-Élisabeth ont déjà prévu de marier Louise au prince espagnol (et ça continue encore et encore, la consanguinité, c’est que le début d’accord d’accord…).
Joseph va se retrouver marié à Marie-Josèphe de Bavière : elle a 26 ans, on l’a décrit comme moche car son visage est plein de traces de vérole. Ça donne envie. Heureusement pour Joseph, elle ne va vivre que deux ans à ses côtés avant de mourir de la petite vérole.
La princesse aux deux visages
Je pense qu’on est tou-te-s d’accord pour dire qu’Isabelle avait une situation géniale, mais une vie un peu pourrie quand même… Cependant, elle a toujours fait en sorte de cacher ses vrais bonheurs, et ses malheurs.
Derrière l’épouse parfaite et souriante se cachait une personne révoltée, passionnée et ravagée par les angoisses morbides. La correspondance entre Isabelle et la sœur de Joseph II fera état du vrai visage de l’archiduchesse.
Le véritable amour d’Isabelle
Lors de son arrivée à Vienne, il y a eu deux coups de foudre : celui de Joseph pour Isabelle, et celui d’Isabelle pour Marie-Christine. La sœur de Joseph.
Marie-Christine a quelques mois de moins qu’Isabelle et elle est folle d’un certain Eugène de Wurtemberg. Sa mère refuse le mariage, donc elle va partir se consoler dans les bras d’Isabelle qui lui fait du rentre-dedans digne d’un gros lourd en sortie de boîte.
Au XVIIIème, ça consiste à placer « Mon cher ange » et « mon plus précieux trésor » dans chaque phrase. Et les courriers sont nombreux. Le cœur de Marie-Christine chavire à son tour. Faut dire qu’Isabelle envoie du lourd.
« Je suis amoureuse de toi comme une folle, saintement ou diaboliquement, je vous aime et vous aimerai jusqu’au tombeau. »
Et autres milliers de phrases plus BIG LOVE les unes que les autres.
Et faut pas croire qu’elles en sont restées au stade « je t’écris des poèmes en te regardant dans les yeux ». Non. Il y a eu du sexe, tantôt doux, tantôt sauvage. Quelques extraits de lettres :
« Je vous baise de toutes mes forces, mais plus avec le menton »
« Il se pourrait bien que nous nous embrassions jusqu’à l’épuisement »
L’obsession de la mort
L’angoisse de la mort héritée de ses grands-pères s’est déclenchée à la mort de Louise-Élisabeth. En effet, dès le décès de sa mère, Isabelle va tomber dans un tourbillon morbide.
En décembre 1759, Isabelle se rend dans une église pour demander au Seigneur de lui dire quand est-ce qu’elle va mourir pour qu’elle puisse se préparer et l’annoncer à sa famille. Le truc, c’est qu’à ce moment-là dans l’église, il y a un petit malin qui s’amuse à faire du bruit ou je ne sais quoi, et Isabelle entend quatre coups.
Elle est persuadée qu’elle va mourir dans quatre jours. Puis en fait, ça va. Alors, elle pense à quatre semaines, mais ça va toujours. Quatre mois pareil. Ce sera donc quatre ans.
Au début de l’année 1763, persuadée de mourir dans les mois à venir, Isabelle écrit de longues lettres à Marie-Christine pour ne pas qu’elle se trouve dépourvue et triste à sa disparition. J’ai connu mieux comme lettre d’amour…
Isabelle meurt quatre ans moins neuf jours après la mort de sa mère.
Vu que cette histoire est triste et que j’ai pas du tout envie que vous soyez tristes, je vais conclure cet article avec des petits mots d’amour qu’Isabelle a envoyés à Marie-Christine. C’est plus mignon.
« Ma très chère demoiselle, être privée de votre présence est un martyre qui n’est pas facile à confier. Plus la moindre joie, pas le moindre plaisir, tout devient fade. »
« Je vous adore, vous êtes la seule douceur de ma vie, je crois que c’est vous en dire assez de toutes façons. Et je me flatte que, persuadée et convaincue de ma bonne foi en tous points, vous ne doutez pas de mes sentiments. »
« À quoi servirait de nous être aimées en ce monde si nous devions être séparées toute une éternité ? »
Si tu veux lire encore plein de lettres d’amour d’Isabelle et Marie-Christine, je te conseille ce livre. D’occasion ça coûte que dalle et c’est vraiment cool ! Et si tu as grave kiffé cet article, tu peux soutenir le blog ou acheter les livres !
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