Dans l’article du jour, je vous parle d’une petite île dans l’océan Pacifique. Enfin, il s’agit plutôt d’un atoll. Un atoll, c’est en gros, une barrière de sable de forme circulaire qui permet une rétention d’eau (un lagon). Eh beh, c’est pas clair du tout. Un atoll, c’est ça ! Parfois une image vaut mieux que tous les mots du monde hein.
L’île de Clipperton
Du coup, Clipperton est une île française située dans le Pacifique à un millier de kilomètres du Mexique, et un peu moins de cinq mille de Hawaï C’est aussi le seul lagon au monde d’eau douce ! L’île a été découverte en 1711 par les Français, Mathieu Martin de Chassiron et Michel Dubocage, ils appellent le lieu : île de la Passion. Et puis on se rend compte que quelques années avant, en 1704, un mec nommé Clipperton a déjà posé le pied dessus, alors elle prendra son nom. Mais bon, l’île de Clipperton, tout le monde revendique sa découverte, mais personne n’en veut vraiment. Faut dire que ça ne sert pas à grand chose, on peut y installer personne ou presque (1,7 km² de superficie). La France revendique l’île en 1858 et personne ne conteste quoi que ce soit… Et puis, soudainement, le Mexique réagit.
Clipperton, l’île Mexicaine
En 1897, les Américain se rendent compte qu’il y a une grande quantité de guano sur l’île et ça, ça les intéresse. Pourtant le guano c’est de la fiente. Oui oui, du caca, de la merde d’oiseaux ! Mais dans les cultures, on l’utilise comme engrais et c’est surpuissant. Le gouvernement mexicain décide alors de revendiquer l’île car après tout, l’atoll est plus proche du Mexique que de n’importe quoi d’autre. Le Mexique accorde une concession aux Américains mais le gouvernement mexicain veut quand même marquer son territoire. Il décide de mettre sur place une garnison de soldats, avec femmes et enfants. Ils sont une centaine.
On a construit un grand phare et des baraques pour accueillir tout le monde. Des bateaux viennent les approvisionner tous les 60 ou 80 jours, environ. L’île est désertique, impossible de faire pousser quoi que soit, donc à part bouffer des crabes… y’a rien. Et des crabes, il y en a beaucoup trop. Alors c’est joli, mais ça rend letruc invivable (encore aujourd’hui, voici les crabes endémiques de Clipperton 1 – 2). L’avantage revient quand même au lagon d’eau douce. Les mecs peuvent au moins boire.
La Révolution mexicaine
En 1910, ça chauffe un peu au Mexique suite à la réélection de Porfirio Diaz. Il y a des insurrections partout dans le pays. Diaz démissionne en mai 1911 et Madero le remplace. Puis il est assassiné. Pendant ce temps, l’armée connaît des déboires avec la guérilla. C’est compliqué, faut être sur tous les fronts et manifestement, le gouvernement (qui n’en est pas vraiment un) est très occupé à conquérir/garder le pouvoir.
On pourrait penser qu’un mec du pouvoir puisse vouloir aller chercher la garnison de Clipperton pour renflouer ses troupes. Mais que nenni. Concrètement, tout le monde au Mexique oublie la garnison et avec ce contexte, le bateau américain qui doit venir approvisionner les habitants de l’île ne vient pas. La galère.
Les oubliés de Clipperton
En 1914, une tempête s’abat sur l’île et les alentours. Un bateau de passage s’échoue avec 13 naufragés. Des bouches de plus à nourrir alors que clairement, il n’y a rien à bouffer ! Le seul petit potager est complètement détruit par cette même tempête et les cochons (vraie photo) qui servaient à bouffer les crabes ont eux-même été mangés. Bin quand on a faim…
En 1915, l’USS Lexington accoste sur l’île et 50% des habitants sont morts du scorbut. Ils ont du bouffer un paquet de crabes et de poissons pour survivre pendant ces longs mois, mais ce n’est pas suffisant. Les carences sont importantes pour les habitants et ils tombent les uns après les autres. A l’approche du bateau, les survivants pensent BINGO ! A eux la bouffe, adieu la vie insulaire et vive le Mexique ! Ouais mais non. Le gouverneur mexicain refuse catégoriquement que le bateau américain récupère les oubliés de Clipperton. Les militaires sont obligés de les laisser sur place. Faut dire que les USA se sont opposés au pouvoir mexicain, alors les deux pays sont pas franchement copains. Les Américains se cassent. Les oubliés de Clipperton restent sur leur atoll pourrave, dans leurs cabanes en piteux état. pendant encore deux années. En 1917, tous les hommes de l’île sont décédés, sauf le gardien du phare, Victoriano Alvarez, le mec en profite pour se proclamer roi (pépouze) à et violer toutes les femmes. Jusqu’au jour où l’une d’entre elle l’assassine.
Le 18 juillet 1917, il ne reste que des femmes et des enfants sur l’atoll lorsque un bateau américain décide de retourner voir s’il y a du monde sur Clipperton. En fait, l’idée est surtout de surveiller que les Allemands n’installent pas une base, c’est un point assez stratégique dans le Pacifique. Loin de tout, certes, mais malgré tout, proche de tout le monde. Lorsque les Américains arrivent, il reste onze survivants, trois femmes, une adolescente et sept enfants. Après un bref passage en Californie, les oubliés de Clipperton peuvent rentrer au Mexique. Quelle aventure…
Voici quelques photos de l’île aujourd’hui c’est : TROP BEAU 1 – 2 – 3. Mais c’est aussi SUPER CRADE, à cause de la pollution. On y mène des études sur les oiseaux, les crabes endémiques et l’impact de l’homme sur l’écosystème, et ça fait mal.
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Lorsque l’on jardine, on se rend vit compte que le guano est de l’or tant par son utilité que par son prix .
J’aime le sort qui est réservé aux femmes dans beaucoup d’histoire… On a le choix entre le viol, ou le viol suivi d’un meurtre … Enfin, comme toujours j’apprécie quand même beaucoup l’article, je ne connaissais pas cet atoll (mais pas opticien :p) ni même l’existence de cette communauté ! 😀
Très bon article ! J’ai adoré.
Très bon article j’ai beaucoup aime
Comme d’habitude tu excelles à raconter. On te lit et on évoque, on part dans sa tête et le film se déroule… passionnant et cruel pour ces pauvres habitants abandonnés… le coup du scorbut faudrait le raconter aux enfants pour qu’ils avalent leur soupe, non ? I’m joking… merci encore et bisous
Le sort qui est réservé aux femmes…Il manque peut-être une précision quand même, un « détail » me direz-vous: Alvarez était un nègre (j’emploie le terme précis de l’époque).
En quoi est-ce important ?
Euh…je sais pas moi, devinez? Enfin bref. Selon moi, c’est important de part ce que ça donne dans les différents cas comme vision du monde, et de l’humanité, des hommes. Selon moi, ça change tout. Mais il est tout à fait possible que beaucoup de gens ne puissent pas le comprendre.
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Très bon article ! Je connaissais cette île, aujourd’hui très importante pour la France, grâce aux ZEE qu’elle leur procure. Cette question m’intéresse beaucoup !
Par contre, je n’ai pas compris, si l’île était française, comment se fait-il que les Mexicains y aient envoyé des personnes ? Après avoir revendiqué l’île auprès des Français, ceux-ci ont tout de suite cédé au Mexique et lui ont donné l’île ? Comment la France a-t-elle réinstauré des droits sur l’île ?
Ça ferait un bon film je pense
Superbe article sur l’île de Clipperton qui est une Ile de rêve et maléfique à la fois avec un lourd passé de mutinerie entre naufragés et de garnison militaire oubliée sur cette île. Cette île fait peur autant qu’elle fascine par rapport à sa triste réalité. Cette île désertée et désertique est très inhospitalière car elle est isolée du monde par son accès très difficile par la mer avec un forte houle et des vagues très violentes tout autour du lagon où les conditions de vie ou chance de survie sont quasi impossibles : l’île regorge de plusieurs millions de crabes non comestibles, l’eau douce n’est pas potable et l’île est entourée de requins et envahie de millions d’oiseaux qui produisent 5 millions de tonnes de « guano » (=excréments donc pour les odeurs ce n’est pas l’idéal non plus!!) De plus cette île est une zone de surpêche au thon non contrôlée qui détruit l’écosystème et la biodiversité marine de l’île. Des milliers de lignes de fond de braconniers jonchent sur le fond des massifs coralliens tout autour de l’île dont la plage circulaire en forme d’atoll récupère un ramassis de détritus et d’ordures plastiques jetés à la mer et échoués sur ses rives avec les vents et courants portants, polluants ainsi toute la surface de l’île!! sans parler des navigateurs et garnisons précédentes présentes sur l’ile qui ont tout laissé sur place derrière eux comme des armes et des munitions de 39/45 ainsi que du matériel divers abandonné qui a pourri avec le temps ou rouillé avec le sel!! Bref un spectacle de désolation et une vraie déchetterie à ciel ouvert (voir documentaire du commandant Cousteau) dont l’île est victime autant de pollution que de son abandon par l’Homme au détriment de sa flore et sa faune qui en sont affectées dont plusieurs espèces et variétés de poissons et de gros requins qui ont disparu par la surpêche des gros navires usine qui ne respectent pas les quotas en produisant le quintuple des quantités autorisées!!… etc… Tout ces éléments écrits que je résume à partir d’un article de presse de 1996 où un expert de la Polynésie et de l’ « ile de la Passion » , G. Guimard Douget nommé par J. Chirac pour faire un audit sur l’Ile avait dénoncé l’état d’abandon de cette île par l’Etat français et du constat amer d’un état sanitaire et écologique déplorable de l’île pour suggérer au gouvernement français de l’époque (cohabitation avec L. Jospin ce qui n’a pas aidé certainement!!) la reprise et le respect des droits constitutionnels et des contrôles administratifs, militaires et douaniers, environnementaux et écologiques sur l’ile avec plusieurs projets d’implantation sur l’île dont « un » projet touristique! Le premier projet dit « prioritaire »: celui de l »implantation d’un campement administratif et l’organisation d’un village géré par un administrateur et par une équipe de douaniers avec le soutien logistique de l’armée ‘Marine) et de chercheurs scientifiques sur place, avec aussi comme projet structurel l’implantation d’un phare en hauteur du rocher volcanique culminant à 29m et d’un ponton d’accueil en béton renforcé et avancé sur la mer pour permettre l’accostage contrôlé des flux sur l’île et pour la sécurisation des navigateurs en difficulté en mer pour éviter l’ échouages de bateaux lors de fortes tempêtes. Un autre projet proposé par G Guimard Douget et son cabinet d’audit GGLD en 1995 : celui de la replantation végétale (dont cet extrait : replantation de cocotiers pour faire barrage aux vents portants lors de forts coups de vent et de houle) avec une zone de culture et de production légumière et fruitière contrôlée par une équipe de scientifiques… autre projet proposé à consonance touristique et « écolo » : la création d’un village de vacances de mer dites « vertes » ou « bleues » à connotation écologique en hôtel-chalets sur pilotis coté eau douce à l’intérieur de l’attol pour la plongée et autres activités nautiques et aquatiques (super projet hôtelier en 1997 avec l’autonomie en énergie avec panneaux solaires, éoliennes et filtrage d’eau! top!!) etc, etc… Le projet de GGLD était parfait pour l’île mais J. Chirac a préféré ne pas l’écouter en préférant faire péter les poissons à Mururoa (essais nucléaires) et 23 ans après voila le résultat : l’île de Clipperton est dénaturée et abandonnée de tous, livrée à elle même, à la pollution et à la contrebande, malgré la venue pédagogique et scientifique de Jean Louis Etienne 10 ans après sous le mandat de N. Sarkozy qui a été un grand espoir scientifique par rapport au projet initial de GGLD mais qui n’a rien changé au Schmilblick en 2019!! Alors pourquoi E. Macron ne reverrai pas la copie du projet de réhabilitation de l’ile de GGLD et des résultats scientifiques de JLE qui sont pour moi les deux seules personnes habilitées et compétentes à trouver LA solution pour l’île de Clipperton, ou à défaut de rétrocéder au Mexique cette île devenue une poubelle si rien n’est fait dans un avenir proche mais dont le potentiel a été bien évalué par des personnes de qualité qui fera qu’un jour la nature et ce lieu exceptionnel reprendront tous leurs droits !.. A méditer…
Très étonnant ce lagon « d’eau douce » (enfin il faudrait avoir une mesure exacte de sa salinité, qui ne peut être nulle) d’autant que j’avais fait une recherche sur la notion d’Atoll qui s’intéressait à celui-ci, étant un des très rares « presqu’atoll » dans le monde et que je n’avais absolument pas rencontré cette information :
https://kn0l.wordpress.com/nos-collections/collection9-geographie/les-atolls-et-presquatolls-des-marquises-un-pave-dans-le-lagon/
https://kn0l.wordpress.com/iles-tropicales-comment-representer-leur-diversite-mais-aussi-leur-continuite-morphologique/