A l’occasion de la journée des droits des femmes, j’ai décidé d’organiser une semaine exclusivement féminine sur Raconte-moi l’Histoire. Aujourd’hui je vous parle de Marina Yurlova, une femme russe qui dès l’adolescence a combattu en tant qu’enfant-soldat volontaire. Découvrez l’histoire de Marina Yurlova car non, l’histoire de la guerre n’est pas seulement celle des hommes !
Marina Yurlova, une enfance en Russie
Marina Yurlova, en russe Марина Юрлова, est née le 25 février 1901 à Raevskaya, dans la région du Kouban, au bord de la mer Noire et proche du bassin du fleuve Kouban. Le père de Marina Yurlova est un militaire. C’est un colonel cosaque. Les Cosaques du Kouban (aussi appelés cosaques de la mer Noire) sont issus d’un peuple slave, avec des coutumes ukrainiennes. Ils ont été déplacés par Catherine II du bord du Dniepr (fleuve ukrainien) pour cultiver les terres, occuper et protéger le territoire pris à l’Empire Ottoman au milieu du XVIIe siècle. Ensuite, les Cosaques se sont installés, ils ont pris leurs aises et lorsque la guerre sonne, ils sont prêts à défendre la Russie. En août 1914, le père de Marina Yurlova est appelé sur le front et la jeune fille décide d’y aller aussi.
L’enfant-soldat volontaire, Marina Yurlova
Marina Yurlova intègre alors un régiment cosaque du front de l’est russe en 1914. Elle va servir son pays durant cinq années. Dès le mois d’août 1914, Marina Yurlova part en train avec des centaines d’autres soldats en direction du front. L’ambiance est bonne, presque festive. On chante (des chants militaires et patriotiques), on danse dans les wagons. On va se battre pour le pays ! D’autres femmes sont également en direction du front, celles qui ne veulent pas quitter leur mari et qui comptent bien se battre à leurs côtés ! C’est aussi une tradition cosaque, les femmes suivent les hommes sur le front. Marina Yurlova écrit dans son livre intitulé « Cossack Girl » (publié 30 ans après) :
« Je suppose que ça doit être difficile pour n’importe qui d’imaginer les sentiments d’une fille cosaque, qui se réveille dans un train quelque part dans le Caucase par un beau matin d’été, une fille de quatorze ans qui s’est trouvée emportée dans une contrée inconnue vers une mystérieuse frontière »
Et pourtant, elle fait preuve d’un courage sans limite.
« Je n’exagère pas quand je dis que je n’avais ni remords ni peur. J’étais une Cosaque. Pour mes compagnes comme pour moi, un instinct aveugle nous dictait de suivre les hommes à la guerre ».
La réalité de la guerre avec Marina Yurlova
Dans un premier temps, Marina, toute jeune fille devient la mascotte du régiment mais on ne lui donne pas d’arme, elle s’occupe de différentes corvées et à la responsabilité des chevaux. Mais après une épreuve d’intégration, Marina Yurlova porte l’uniforme et participe aux opérations militaires, elle écrit la réalité de la guerre… La peur.
« Mon cœur martelait sauvagement ; j’étais terriblement, désespérément terrifiée. J’aurais donné n’importe quoi pour ramper n’importe où en arrière sans attendre le moindre coup de feu. Mes genoux étaient mous et faibles ; et je serrais les dents pour les empêcher de claquer ».
Lors d’une attaque particulièrement dangereuse, le dynamitage d’un pont, tous les soldats de son unité décèdent. Elle est la seule à s’en sortir, sa jambe échappe à l’amputation de justesse et alors qu’elle est à nouveau sur pied, elle demande à repartir sur le front. Alors qu’elle aurait pu rentrer pépouze au Kouban. Son courage et sa détermination seront récompensés. Elle obtient la première Croix de Saint-Georges (c’est l’équivalent de notre Croix de Guerre), dans le milieu militaire, on oublie qu’elle est une enfant, et qu’elle est une femme, elle fait partie intégrante de l’unité. Elle est respectée comme le sont tous les autres soldats et passe complètement inaperçue lorsqu’elle coupe ses cheveux à cause des poux.
Elle marche avec l’Armée russe jusqu’à la Turquie, en passant par l’Arménie. Elle est en première-ligne, chargée de faire le lien entre l’état-major et le front. Malheureusement, Marina Yurlova est à nouveau blessée, elle est hospitalisée quelque temps. La jeune fille connaît des difficultés à marcher alors elle suit une formation rapide à la conduite des véhicules. Elle est à Erevan, en Arménie où la population ayant survécu au génocide est victime de famine, ce qui marque beaucoup la jeune fille. Puis en 1917, elle est victime d’une grave commotion cérébrale en transportant des blessées. Cette fois-ci, Marina Yurlova est considérée comme invalide… Durant toute l’année 1918, Marina Yurlova est immobilisée, sans doute victime d’obusite, lié au choc de l’explosion qui a causé son accident.
La révolution Russe et la fuite
Alors que Marina Yurlova est hospitalisée à Kazan, le tsar Nicolas II est destitué. Le pays est sens dessus dessous. D’un côté, il y a les Russes blancs qui soutiennent les Romanov, de l’autre on trouve les gardes rouges bolcheviques de Lénine et aussi de Trotski.A sa sortie de l’hôpital, l’enfant soldat écrit :
« Les rues étaient plus que désertes, chaque entrée sombre paraissait hantée par une silhouette furtive qui rampait dans l’ombre à notre passage ; deux ou trois fois une bande de soldats en haillons sembla sur le point de nous arrêter ; et une ou deux fois on dut contourner un cadavre étalé en travers de la rue ».
Les Bolcheviques avancent dans le pays et Marina Yurlova tente de les fuir avec d’autres soldats mais aussi de nombreux civils. D’abord en train, puis, les déplacements sont surveillés par les bolcheviques, alors il faut continuer à pied. Elle part vers l’est et traverse durant un mois une partie de la Sibérie avec son groupe. A Harbin, Marina Yurlova doit être à nouveau hospitalisée, puis à Vladivostok. Ses blessures de guerre l’ont énormément affaiblie, elle n’a pas le courage de se battre contre son propre peuple.
« J’étais vide d’espoir et de crainte ; je n’avais pas de regrets du passé et pas de sens du futur »
En 1919, l’enfant-soldat Yurlova obtient un laisser-passer pour le Japon (en falsifiant son âge). C’est le début d’une autre vie. Loin de la guerre et des combats.
Marina Yurlova, l’artiste
En 1919, Marina Yurlova part pour le Japon. Après quelques années de repos, elle décide de partir pour les USA en 1922 où elle entame une carrière de danseuse. L’ancienne enfant-soldat épouse le réalisateur William C. Hyer et elle obtient la nationalité américaine en 1926. En 1934, c’est la sortie de son premier livre autobiographique « Cossack Girl » dans lequel elle raconte toutes ses aventures jusqu’à son hospitalisation à Kazan. Puis en 1936, elle écrit la suite de sa vie dans le livre « The only woman ».
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Évidemment, de nombreuses personnes vont remettre en cause les récits de Marina Yurlova quant à la guerre. Rien ne prouve qu’elle n’invente pas certains faits. En réalité, ses deux ouvrages représentent un contexte historique très précis avec des faits d’une étonnante objectivité. Marina Yurlova ne soutient ni le régime soviétique, ni les Romanov, elle décrit simplement sa vie d’enfant-soldat et de femme parmi les hommes. Marina Yurlova décède à l’âge de 84 ans, à New-York.
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Danseuse après ses blessures à la jambe qui l’empêche de marcher ? Difficile d’y croire :s