Si certains hommes se nourrissent d’amour, d’eau fraîche, de pinard et de quinoa, certains dieux ont, eux, besoin de chair fraîche, de sang ou encore d’organes humains fraîchement découpés pour vivre heureux au temple des dieux. Dans les peuples précolombiens, comme les Aztèques, entre les années 250 et 1524 de notre ère, le sacrifice humain est pratiqué. Je vous explique aujourd’hui le pourquoi du comment.
Le cosmos à l’origine du sacrifice humain
Selon les Aztèques, le monde a déjà été détruit plusieurs fois, lorsqu’il s’est reconstruit pour la quatrième fois, la déesse Terre a donné naissance à 405 entités. 400 Mimixcoax et 5 Mecitin. Alors que les 400 Mimixcoax se prélassent dans l’alcool et la luxure, les Mecitin chassent et cherchent de l’eau. Puis ces derniers ont été chargés de sacrifier les 400 autres branleurs, alcooliques et sex-addict, pour apaiser les dieux du cosmos afin que la Terre et le Soleil puissent s’en nourrir. Le sacrifice des 400 mecs a nourrit la Terre, la Lune et le cosmos en général et tout va bien dans le meilleur des mondes. La déesse-terre Tlaltecuhtli a besoin de cœurs humains et d’être arrosée de sang pour pouvoir fournir des fruits toute l’année. Le dieu-soleil, lui, a besoin de sang pour pouvoir se déplacer. Enfin, le dieu de la pluie, Tlaloc, lui, a besoin de sacrifices pour éviter la sécheresse mais aussi les inondations. On est loin de l’explosion démographique avec des Dieux comme ça… D’ailleurs, des chercheurs ont évoqué l’idée d’une régulation de la population par le sacrifice humain, mais rien de probant n’a été évoqué et ils ont abandonné l’idée. En revanche, le sacrifice humain joue bien un rôle politique.
Le sacrifice humain, une cérémonie ritualisée
Tout d’abord, il faut savoir que le sacrifice humain ne se fait pas n’importe où, n’importe comment et par n’importe qui. Au contraire, tout est prévu et on ne peut pas manquer au rituel, sinon ce n’est pas un sacrifice, c’est un meurtre (ben oui). En règle générale, les cérémonies ont lieu sur un autel sacrificiel dans les temples et plutôt en hauteur. L’idée est de se rapprocher du temple des dieux, dans le ciel. Il arrive parfois qu’on sacrifie des hommes dans des lieux non sacrés mais c’est vraiment en cas d’urgence ou de guerre. Le temple le plus célèbre pour ses sacrifices est el Templo Mayor, car il était considéré comme le centre du monde par les Aztèques. Au pied de la pyramide, on peut y voir une sculpture représentant Coyolxauhqui (la déesse-lune) en plusieurs morceaux. Lorsqu’un prisonnier de guerre est sacrifié en haut de la pyramide, son corps (ou seulement certaines parties) est précipité vers le bas. Le Temple Mayor peut accueillir jusqu’à 10 000 personnes.
Les méthodes de sacrifice humain sont diverses et variées… la plus célèbre est la cardiectomie : on couche un mec sur une pierre de sacrifice, cinq prêtres lui tiennent les bras, les jambes et la tête et un sixième lui ouvre la poitrine avec un couteau de silex pour lui enlever le cœur. Ensuite le cœur du mec est brandi en l’air ou lancé vers le symbole du dieu que l’on célèbre. Finalement, le cœur et le sang sont déposés dans un réceptacle pour que le dieu vienne le chercher pour le manger. Il arrive aussi que le cœur soit brûlé ou mangé. Ben oui… En général, lorsqu’il est consommé le cœur est réservé aux prêtres alors que les jambes sont mangées par l’empereur. Les os sont conservés pour fabriquer des parures, des instruments de musiques ou encore des cuillères.
Il y a aussi le sacrifice gladiatorial : l’idée c’est que le sacrifié tenu par une corde doit se battre avec une arme factice avec un des guerriers avec des vraies armes… C’est pas tellement équitable. Une fois mort, les prêtres récupèrent le cadavre, lui enlèvent le cœur (pas la peine de lui tenir les bras là hein), lui coupent la tête (pour déposer le crane sur une pique en bois dans l’enceinte sacrée) et finissent par l’écorcher (ainsi ils récupèrent la peau et se font des robes)(tu crois que c’est une blague mais en fait c’est vraiment ça). Il existe aussi le sacrifice par les flèches, l’écrasement dans un filet, la noyade, la lapidation, l’éviscération ou encore la chute dans le vide. Il y en a pour tous les goûts. Les méthodes de sacrifice humain dépendent du dieu qu’on veut nourrir ou de ce que l’on veut célébrer.
Et le sacrifié ? Qui est-il ?
Généralement, ce sont des esclaves qui sont sacrifiés puis avec la guerre fleurie, les prisonniers de guerre, mais selon ce que l’on célèbre, des femmes, des filles vierges, des enfants ou encore des « difformes » (des nains, des bossus…) peuvent aussi être sacrifiés pour satisfaire les dieux (ou les volontés politiques). Mais attention, il existe aussi des volontaires. Oui oui, des mecs qui veulent être sacrifiés. Les Aztèques pensent que le destin après la mort ne dépend pas de la vie mais plutôt de la façon de mourir et il n’y a que deux morts dignes : le sacrifice et la mort au combat. Bizarrement, tomber dans les escaliers ou s’étouffer avec sa bave ce n’est pas digne. Bref. Avant d’être sacrifiés, les personnes sont épuisées durant des jours puis droguées, pour ne pas qu’elles changent d’avis quelques heures avant. C’est trop tard et ça fait désordre.
Le sacrifice humain, une volonté politique ?
Ben oui… Déjà, ça fait flipper. Les mecs aiment bien l’idée de nourrir les dieux et de les apaiser, mais si ça peut se faire avec le corps de quelqu’un d’autre, c’est quand même mieux. Alors, ils se tiennent à carreaux pour ne pas finir découpés en morceaux. L’empire aztèque se compose en grande partie de tribus dans tout le territoire, dès lors qu’une d’entre elle se révolte un peu : paf. Un coup de machette bien placé derrière la nuque sur l’autel du dieu-soleil et on n’en parle plus. La menace du sacrifice humain permet tout simplement de maintenir l’ordre et de terroriser les opposants.
Autre raison, assez intéressante : la guerre fleurie au XVe siècle. Vous ne savez pas ce que c’est ? C’est bien simple. Lorsque les Aztèques font la guerre pour étendre leur territoire, ils ne tuent pas les soldats adverses (ils évitent au maximum en fait) mais il les capturent. Ainsi faits prisonniers, il est possible de sacrifier les chefs de guerre voisins et ainsi nourrir les dieux sans toucher à la population. Donc plus on fait la guerre fleurie plus on a des sacrifices et on plus on gagne du territoire. C’est tout bénef !
Petite anecdote : pour ne pas tuer les adversaires, les Aztèques s’engagent dans des duels interminables, souvent à mains nues. L’idée est d’attraper l’adversaire par sa longue chevelure, puis de le ligoter et de le kidnapper.
La fréquence des sacrifices humains
Il est impossible de connaître exactement la fréquence des sacrifices humains. On ne peut pas dire qu’il y avait un sacrifié tous les jours ou toutes les semaines à la même heure. Non, bien qu’il existe des cérémonie sacrificielles régulières pour fêter les saisons et les activités agricoles : semailles, récoltes, saison des pluies… (imagine on décide d’égorger un mec à chaque vendange!) les dates se sont complètement décalées avec les siècles et ça ne correspond tellement à rien par rapport à notre calendrier qu’on s’épargne de dire n’importe quoi.
Au XVIe siècle, c’est un peu la merde, ils ont les Espagnols dans les pattes alors les guerres sont nombreuses, difficiles et les Aztèques sont tendus. A ce moment-là, Hernan Cortés estime le nombre de sacrifiés à 3000 ou 4000 par an. Ça commence à faire, huit ou neuf bonhommes par jour, il faut pas oublier d’aiguiser les couteaux tous les matins. Les Aztèques sacrifient aussi des hommes en temps de paix ou pour célébrer un truc cool, genre la rénovation d’un temple. Celle du Templo Mayor en 1487 représente l’inauguration la plus mortelle. Le codex Duran évoque plus de 80 000 prisonniers sacrifiés en quatre jours alors que le codex Telleriano-Remensis parle lui de 20 000 sacrifiés en quatre jours. La différence est importante certes, mais déjà 20 000 têtes coupées en moins d’une semaine, les dieux ont dû faire une overdose…
Autre information (un peu drôle), lorsque les Aztèques organisaient des tournois de pelote « tlachtl » dans l’enceinte sacrée de la ville, une partie des perdants était réquisitionnée pour être sacrifiée. Bonne ambiance pendant le match…
Comment peut-on en être certain ?
Les sources qui évoquent le sacrifice humain chez les Aztèques sont nombreuses et variées.
D’abord, il y a les sources écrites des Aztèques. Ou plutôt dessinées. Dans différents codex, on retrouve des illustrations de cérémonies de sacrifices humains, comme le Codex Borbonicus, les codes Borgia, mais aussi les codes mixtèques et mayas (alors ils ne sont pas Aztèques, puisqu’ils sont mixtèques et mayas, mais ils représentent bien l’ambiance, les us et coutumes dans les peuples précolombiens). Ce sont d’ailleurs ces différents codex qui illustrent aujourd’hui l’article. Directement liés aux Aztèques, il est aussi possible de parler de l’archéologie : lors de grandes fouilles organisées au XIXe siècle au Mexique, on a trouvé différents objets et bâtiments réservés aux sacrifices humains (autels de sacrifice, offrandes, couteaux…) Oui, on ne coupe pas la tête d’un sacrifié avec le même couteau qui sert à manger le pâté de maïs. Enfin, des restes humains (en plusieurs morceaux) ont été découverts dans le sous-sol des sites religieux, au Templo Mayor notamment. Les os étaient bien rangés, il ne s’agissait pas d’une vulgaire fosse commune.
Autres sources, les témoignages des Européens, de nombreux récits évoquent les sacrifices humains sans entrer dans les détails mais Diego Duran et Bernardino de Sahagun racontent précisément certaines scènes qui se seraient déroulées durant la conquête de l’empire aztèque. Mais faut faire un peu gaffe avec ce que peuvent raconter les Européens. L’idée était de conquérir le pays et d’évangéliser les peuples, alors raconter que les mecs coupent des têtes et arrachent des cœurs humains légitime leurs actes (barbares et génocidaires) alors certains peuvent rajouter un peu de folklore. En revanche, il existe aussi des personnes qui nient complètement ou minimisent les sacrifices humains chez les Aztèques.
Pour en savoir plus, cet article, ce livre de Michel Graulich. Si tu as aimé cet article, tu peux soutenir le blog sur tipeee ou acheter les livres de Raconte-moi l’Histoire !
Je pense que ces savants en calendriers, en profitaient pour nettoyer la population des inutiles a leurs systèmes tout en bouffant les sacrifiés .
Dans mes souvenirs, les guerres fleuries n’étaient pas juste le fait de ramener un maximum de prisonniers de guerre mais plutôt une entente avec une cité-état voisine pratiquant les mêmes rituels. Parce que sinon les guerriers aztèques à mains nues n’auraient pas tenu bien longtemps…