Le temps d’un article, je cède ma place à Dédé. Il est sympa, il connait Montmartre comme sa poche, d’ailleurs, il organise même des visites, c’est gratos, mais tu peux participer en bière et en chips. Tu peux le contacter sur Twitter. Aujourd’hui, il raconte l’histoire du bateau lavoir. Ça n’a rien à voir avec un bateau, ni un lavoir, du coup, je sais pas trop pourquoi il a décidé de faire un article là-dessus (Non, c’est faux, on apprend plein de trucs).
A Montmartre, à quelques mètres de la rue des Abbesses et son flot de touristes à casquettes inversées, la rue Ravignan débouche sur la place Emile Goudeau. Là, sur la gauche, un bâtiment attire notre œil sagace et vif : c’est le Bateau Lavoir. Peu de lieux ont eut une importance aussi grande dans l’Histoire de l’Art que cette bâtisse.
Le destin du Bateau Lavoir se confond avec celui de l’âge d’or du Montmartre artistique, entre le début du XXème siècle et la première guerre mondiale. C’est bien simple, si on trace un rayon de 500 m autour du Bateau Lavoir tous les monstres de la peinture et de la sculpture moderne ont vécu dans ce périmètre : Renoir, Picasso, Derain, Braque, Gris, Dufi, Brancusi, Degas, Modigliani. Ils sont tous là. Du coté des lettres on trouve aussi Apollinaire, Mac Orlan, Reverdy ou encore Max Jacob.
A l’emplacement du Bateau Lavoir il y a d’abord vers 1830 un bal, dit bal du « poirier-sans-pareil », identique à ceux qui feront les grandes heures de la night life sous l’Empire quelques années plus tard. Les rythmes endiablés des cancans (pas encore « french ») et de la « quadrille des lanciers » lui feront la peau puisqu’un jour celui-ci s’effondre. Littéralement. Vers 1860, on reconstruit à la place un atelier de fabrication de pianos. 30 ans plus tard, Montmartre est en train de devenir le lieu de vie de toute une génération d’artistes chassés du 9e arrondissement par la vie chère et le prix prohibitif des dames et des boissons. En plus de tarifs super avantageux sur ces deux biens de consommation courante, la butte offre de nombreux paysages, des spots de peintures top cool et cheap et est proche de la rue Laffitte où se trouvent nombre de galeries d’Art.
Le propriétaire du Bateau Lavoir, un certain François Sébastien Maillard dont on peut encore voir les initiales sur la ferronnerie qui surplombe l’entrée se dit qu’il pourrait facilement transformer l’endroit en ateliers d’artistes loués à bas prix. Ce qu’il fait en 1889 en découpant sommairement cet hétéroclite bâtiment construit à flanc de colline en une vingtaine d’ateliers. Vers 1900, le loyer mensuel est de 15 francs, si on considère qu’un ouvrier gagne à l’époque 5 francs par jour, ça veut dire que le gars paie son loyer en 3 jours. Si t’es parisien, je te laisse faire la comparaison avec ton salaire et ton loyer aujourd’hui (spa la peine de s’énerver j’y suis pour rien). Au Bateau Lavoir les conditions de vies sont précaires : on y crève de chaud en été (ce qui permet d’y voir des artistes peindre à moitié à poil) et de froid en hiver. Le nom « Bateau Lavoir » fait d’ailleurs allusion à cette précarité (l’ambiance dans les Lavoirs étant un mélange joyeux de saleté, de promiscuité, de trucs chimiques et de chaleur étouffante à fortiori lorsque le dit lavoir était sur un bateau, d’où le nom, tu me suis ?).
Le premier occupant du Bateau Lavoir est un peintre italien du nom de Maufra, il sera suivi par des collègues espagnols et notamment le céramiste Paco Durio. Mais la légende du Bateau Lavoir ne commence vraiment qu’en 1904 quand un petit gars, espagnol de son état, s’installe dans l’atelier de Paco. Son nom ? Pablo, Diego, Jose, Francisco de la Paula, Juan, Nepomuceno, Crispin Crispinino de la Santisssima Trinidad, Ruiz & … Picasso ! Le p’tit gars en question est un génie, il le sait, il va révolutionner la peinture. Très charismatique il est entouré d’un aréopage de fans dont le premier sera le poète Max Jacob, rapidement rejoint par Guillaume Apollinaire et des tas de demoiselles. Continuer la lecture