L’édit de Bertin
Le gouvernement de Louis XV décide en 1763 d’augmenter les impôts, comme quoi c’est pas nouveau. Il s’agit ici d’ajouter deux sous pour chaque livre due à la ferme (1 livre = 20 sous). La ferme générale est une délégation de l’État qui se charge de récolter les impôts (taille, gabelle, tabac…) dans les provinces.
L’Affaire de Bretagne
A cette époque, en Bretagne, c’est le Duc d’Aiguillon qui est gouverneur du royaume, alors que Louis-René Caradeuc de la Chalotais est un parlementaire. Entre eux, une vieille rancœur, Louis-René veut sa peau. C’est pourquoi, lorsque le commissaire du Roi demande au parlement de Rennes de ratifier l’édit de Bertin, le parlementaire s’y oppose farouchement, prétextant que les États de Bretagne ont signé un accord fiscal avec le Roi y a des années. Soit. Il a pas tort, mais ça n’arrange pas franchement le gouvernement. Le Parlement va interdire la relève de l’impôt Le pouvoir royal ne cède pas et va imposer par lit de justice l’application du cadastre.
Un lit de justice, qu’est-ce donc ? Lorsque le gouvernement veut faire instaurer un édit, il doit le faire ratifier par les parlements (Paris et provinces) pour le rendre applicable. Mais parfois les parlementaires s’y refusent -comme dans cette affaire- et écrivent des remontrances, il s’agit de modifications ou d’un refus catégorique. Soit le gouvernement cède, soit le Roi par sa présence va personnellement tenir une séance au Parlement pour faire ratifier l’édit. C’est beau le pouvoir. Le vrai.
Les parlementaires démissionnent en masse en signe de contestation à ce lit de justice, instrument de l’absolutisme. Louis-René va jusqu’à lacérer les affiches royales de l’édit et envoyer des lettres anonymes au ministre d’État. Forcément, il se fait pécho vu qu’il est le seul à gueuler et il est exilé quelques temps avant d’être jugé.
Le procès de la Chalotais
Faute de parlement Rennais compétent, ils ont presque tous démissionné. Le révolté s’indigne de ne pouvoir avoir un procès à la hauteur de son rang. Le Roi décide alors que l’affaire sera traitée par le Grand Conseil le 16 novembre. Ça pourrait s’arrêter là, avec un « il fut jugé puis exilé jusqu’à sa mort dans une bâtisse ma foi plutôt agréable ou il but quelques cafés avec Voltaire ». Mais non.
Peu après son ouverture, le Roi interrompt l’audience et déclare pour apaiser la situation que l’affaire est classée et qu’il ne veut plus en entendre parler. C’est chouette. Ça pourrait s’arrêter là. Mais non. Toujours pas. Et c’est toujours le même qu’en redemande.
Le procès du duc d’Aiguillon
Bien que satisfait par la décision de Louis XV, le relou, la Chalotais décide de faire un procès au duc d’Aiguillon pour avoir tenté d’imposer de force l’édit de Bertin en Bretagne. Édit que tout le monde a oublié vu qu’il n’a finalement pas été appliqué. Mais il a la rancune tenace. Le procès du duc a lieu devant la Cour des pairs.
Le Roi, qui commence a en avoir vraiment plein les c…, assez de cette histoire, estime que le duc d’Aiguillon n’a fait preuve que d’un excès de zèle. L’affaire est close. Le Roi comprend que le procès fait à son gouverneur est une critique directement dirigée contre l’absolutisme de la monarchie, il exige à nouveau le silence le plus total sur cette affaire et demande à ce qu’on lui fournisse toutes les pièces du dossier. On peut aisément imaginer les feuillets enflammer un bbq à Versailles…
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